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Décret tertiaire : guide complet pour les entreprises en 2025

Le secteur tertiaire français représente près de  16 % de la consommation énergétique totale de la France en 2023. Face à l’urgence climatique, le gouvernement a mis en place une réglementation ambitieuse pour transformer ce secteur : le décret tertiaire. Cette mesure phare de la transition énergétique impose aux bâtiments tertiaires des objectifs d'économies d'énergie particulièrement exigeants.


Le décret tertiaire : qu'est-ce que c'est ?

Le Dispositif Éco Énergie Tertiaire (DEET), couramment appelé "décret tertiaire", constitue une obligation réglementaire visant à engager les acteurs du secteur tertiaire dans la voie de la sobriété énergétique. Cette réglementation, entrée en vigueur en octobre 2019, s'inscrit dans le cadre plus large de la transition énergétique française et fixe des objectifs ambitieux de réduction des consommations d'énergie.

Rappel du contexte et vote de la Loi ELAN

Tout commence en 2010 avec la loi Grenelle II, qui instaurait déjà un dispositif visant la rénovation du parc de bâtiments tertiaires. Ce texte imposait des réductions de consommation d'énergie aux bâtiments existants, mais un décret d'application publié en 2017 est annulé par le Conseil d'État en juin 2018. En cause ? Le délai jugé trop court laissé aux obligés pour se conformer à la réglementation.

Suite à cette annulation, le gouvernement revoit sa copie et intègre dans l'article 175 de la Loi ELAN (Évolution du Logement, de l'Aménagement et du Numérique) une nouvelle mouture du texte. Promulguée fin 2018, cette loi entérine l'inscription au Code de la construction et de l'habitation d'une obligation de réduire la consommation énergétique des bâtiments tertiaires. Le décret n° 2019-771 du 23 juillet 2019 vient préciser les conditions d'application de cette mesure. Surnommé « décret tertiaire », il vient encadrer le champ d'application, les modalités de recueil des données via la plateforme OPERAT et les sanctions administratives en cas de non-respect.

 Quels sont les enjeux du décret tertiaire ? 

Les enjeux du décret tertiaire sont considérables tant d'un point de vue environnemental qu'économique. L'ambition affichée par le décret tertiaire est de réaliser 60% d'économie d'énergie sur le parc tertiaire d'ici 2050. 

Cette réglementation phare pour la mise en œuvre de la transition énergétique vise également à valoriser le patrimoine immobilier des entreprises, à réduire leurs charges d'exploitation et à marquer leur engagement dans la lutte contre le changement climatique. Pour les entreprises, cela représente une opportunité de démontrer leurs engagements RSE auprès de leurs actionnaires, administrés, collaborateurs et partenaires.

Quelles sont les entreprises assujetties au décret tertiaire ?

Le périmètre d'application du décret tertiaire embrasse une grande partie du parc immobilier tertiaire français. Il concerne presque tous les bâtiments à usage tertiaire de plus de 1000 m2.

Les bâtiments à usage tertiaire de plus de 1000 m²

Le décret tertiaire s'adresse aux propriétaires et locataires de bâtiments tertiaires, qu'ils soient publics ou privés. Sont concernés tous les bâtiments ou locaux d'activité à usage tertiaire dont la surface d'exploitation est supérieure ou égale à 1 000 m². Cette superficie peut être cumulative si le bâti héberge plusieurs entreprises, ou si le site est composé de plusieurs bâtiments situés sur une même unité foncière.

Le champ d'application du "secteur tertiaire" comprend le tertiaire marchand (commerce, transport, activités financières, services rendus aux entreprises, services rendus aux particuliers, hébergement restauration, immobilier, information communication) ainsi que le tertiaire non-marchand (bâtiments publics, immeubles de bureaux et d'enseignement, santé humaine, action sociale).

Existe-t-il des exceptions ?

Malgré son large périmètre d'application, le décret tertiaire prévoit certaines exceptions pour des catégories spécifiques de bâtiments :

  • Les constructions à titre précaire 
  • Les bâtiments destinés au culte 
  • Les bâtiments liés à la sécurité nationale : sont exclus du dispositif les bâtiments ou parties de bâtiments destinés à la défense, à la sécurité civile ou à la sûreté intérieure du territoire.

Quels sont les objectifs du décret tertiaire ?

Le décret tertiaire définit des objectifs précis de réduction des consommations d'énergie aux propriétaires et exploitants de bâtiments tertiaires, avec deux modalités pour atteindre ces résultats. Cette approche permet aux assujettis de choisir la méthode la plus adaptée à leur situation.

 Les objectifs du décret tertiaire en valeur relative

La première méthode, dite en valeur "relative", consiste à réduire sa consommation d'énergie finale par rapport à une année de référence qui ne peut être antérieure à 2010. Cette consommation énergétique de référence, appelée Cref, est choisie par l'assujetti parmi les années 2010 à 2019. Les objectifs de réduction sont progressifs : 

  • 40% d'ici 2030, 
  • 50% d'ici 2040 
  • 60% d'ici 2050.

Pour faciliter le choix de l’année de référence, les distributeurs d'énergie ENEDIS et GRDF ont mis en place des services permettant de demander l'accès à l'historique des consommations sur les dix dernières années.

Les objectifs en valeur absolue

La deuxième méthode, dite en valeur "absolue", consiste à atteindre un niveau de performance minimum en kWh/m²/an, défini pour chaque type de bâtiment et catégorie d'activité associée. Ce seuil de consommation en énergie finale est fixé en valeur absolue en fonction de la consommation énergétique des bâtiments nouveaux de leur catégorie.

Les valeurs absolues à atteindre, appelées Cabs, sont fixées par arrêté avant le début de chaque décennie. Cette option s'avère particulièrement intéressante pour les bâtiments les plus récents ou pour ceux qui ont déjà fait l'objet de travaux de rénovation énergétique.

Décret tertiaire : quel calendrier de mise en œuvre ?

Le calendrier du décret tertiaire s'étend sur plusieurs décennies jusqu’en 2051, avec des échéances intermédiaires permettant un suivi régulier des progrès réalisés : 

  • 30 septembre 2025 : transmission des consommations énergétiques de l'année 2024 via la plateforme OPERAT ainsi que définition de l'année de référence pour les nouveaux entrants 
  • 30 septembre 2026 : date limite pour solliciter des modulations d'objectifs concernant la première période décennale, accompagnées des justifications techniques nécessaires 
  • 31 décembre 2030 : atteinte du premier seuil réglementaire correspondant à une diminution de 40% de la consommation d'énergie finale pour l'approche en valeur relative 
  • 31 décembre 2031 : contrôle réglementaire du respect du premier objectif décennal 
  • 31 décembre 2040 : réalisation du second palier avec une réduction de 50% des consommations énergétiques 
  • 31 décembre 2041 : vérification du second objectif décennal 
  • 31 décembre 2050 : accomplissement de l'objectif ultime de 60% de diminution des consommations d'énergie finale 
  • 31 décembre 2051 : évaluation finale du respect de l'objectif à long terme

Comment se mettre en conformité avec le décret tertiaire ?

Pour se mettre en conformité avec le décret tertiaire, les entreprises doivent déployer une stratégie globale intégrant à la fois le suivi des consommations et l'amélioration de leurs performances énergétiques. Voici quelques pistes.

La déclaration OPERAT : une obligation dans le cadre du décret tertiaire

L'obligation déclarative annuelle constitue un pilier central du dispositif. Elle s'effectue via la plateforme OPERAT (Observatoire de la performance énergétique, de la rénovation et des actions du tertiaire), éditée par l'ADEME. Cette plateforme permet de recenser les données de consommation des assujettis qui reçoivent en retour une attestation annuelle des consommations ajustées en fonction des variations climatiques.

La déclaration sur OPERAT s'articule autour de trois grandes étapes :

  1. Création administrative : mise en place du compte en ligne, enregistrement de la structure juridique assujettie et des établissements associés
  2. Définition du périmètre : identification et caractérisation des EFA (entités fonctionnelles assujetties)
  3. Saisie des données : déclaration des consommations énergétiques et des surfaces de chaque EFA

Pour garantir la fiabilité et la traçabilité des informations transmises, la réglementation impose des sources de données strictement définies. Seules sont acceptées les factures d’électricité et de gaz émises par les fournisseurs d'énergie ainsi que les données de consommation directement issues des distributeurs d'énergie comme Enedis pour l'électricité ou GRDF pour le gaz naturel. Cette exigence permet d’éviter les approximations ou estimations qui pourraient compromettre la qualité du suivi réglementaire.

La rénovation énergétique: un levier pour réduire la consommation énergétique des bâtiments

La rénovation énergétique consiste à améliorer les performances d'un bâtiment en remplaçant ou modernisant ses équipements et son enveloppe. Cela inclut l'installation d'équipements plus performants (chauffage, éclairage, ventilation, climatisation) et les travaux d’isolation. Ces améliorations permettent de réduire durablement les consommations d'énergie. 

Pour se faire accompagner dans leur projet de rénovation, les entreprises peuvent demander des aides comme les Certificats d’Economies d’Energie (CEE).

 L’autoconsommation photovoltaïque

L'autoconsommation permet aux entreprises de produire leur propre énergie verte grâce à l'installation de panneaux solaires photovoltaïques sur leurs bâtiments. Cette production d'énergie renouvelable réduit l'empreinte carbone de l’entreprise  en diminuant le recours aux énergies fossiles. Le décret tertiaire encourage cette démarche de décarbonation en permettant de déduire certaines consommations du bilan énergétique comme l'énergie utilisée pour recharger les véhicules électriques, par exemple. 

Quelles sanctions en cas de non mise en conformité ?

En cas de non-transmission des données de consommation sur la plateforme OPERAT, le propriétaire ou bailleur reçoit une mise en demeure de transmettre les éléments dans les 3 mois. À défaut de régularisation, l'État procède à la publication sur un site internet des services de l'État des mises en demeure restées sans effet. Ce principe de "Name & Shame" constitue une sanction réputationnelle non négligeable pour les entreprises.

Si l'objectif de réduction des consommations n'est pas respecté, les assujettis sont mis en demeure de produire sous 6 mois un plan d'action capable de réduire leurs consommations énergétiques. En cas de nouveau manquement, ils reçoivent une deuxième mise en demeure avant publication de leur nom sur le site web dédié. Le dispositif peut être complété par une amende administrative pouvant aller de 1 500 € pour les personnes physiques à 7 500 € pour les personnes morales.

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