
PPE 3 : La nouvelle feuille de route énergétique 2025-2035
La troisième Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE3) s'apprête à redéfinir le paysage énergétique français pour la décennie 2025-2035. Quelles évolutions apportent les grandes orientations de la PPE 3 pour les entreprises ? Décryptage d'un texte qui façonnera l'avenir énergétique du pays.
5 septembre 2025 à 19:29
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Qu'est-ce que la Programmation pluriannuelle de l'énergie ?
La Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) constitue l'outil de pilotage central de la politique énergétique française¹. Créée par la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, elle fixe les orientations et priorités d'action des pouvoirs publics pour la gestion de l'ensemble des formes d'énergie sur le territoire français.
Concrètement, la PPE détermine les objectifs énergétiques de la France : quantité de consommation et de production, répartition entre nucléaire et renouvelables entre autres, investissements prioritaires². Elle couvre deux périodes successives de cinq ans. Pour former la stratégie française pour l'énergie et le climat (SFEC), elle s'articule avec :
- la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC)
- le Plan national d'adaptation au changement climatique (PNACC)
Un cadre légal structurant
La PPE s'impose comme une référence contraignante pour l'ensemble des acteurs énergétiques. Elle définit notamment les critères de sûreté du système énergétique, les objectifs d'efficacité énergétique, le développement des énergies renouvelables et les stratégies de mobilité propre¹. Pour les entreprises, elle constitue le socle réglementaire sur lequel bâtir leurs stratégies énergétiques à moyen et long terme.
Comment est élaborée et adoptée la PPE ?
La PPE 3 est adoptée par décret selon l'article L141-1 du code de l'énergie, après un processus de concertation approfondi². Le décret tarde actuellement à être publié car le Parlement souhaite être associé à l'élaboration de cette PPE et demande que les dispositions de la Proposition de loi portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l'énergie soit prise en compte. La situation politique explosive s’ajoutant à cela, le communiqué de presse du Gouvernement qui avait fuité le 1er août 2025 n'a finalement pas été suivi d'effet, vraisemblablement bloqué par le Premier ministre. Marc Ferracci affirmait que le décret devra être publié et sera modifié autant que nécessaire en fonction des discussions à l'Assemblée nationale puis en Commission mixte paritaire sur la proposition de loi Gremillet. Avec le risque important de chute du gouvernement Bayrou, plus rien n’est acquis sur le timing.
Fruit de quatre années de travaux associant entreprises, élus, collectivités et représentants de la société civile, le projet a bénéficié d'une large concertation². La concertation nationale organisée fin 2024 sous l'égide de la Commission nationale du débat public (CNDP) a mobilisé 50.000 participants et permis de recueillir plus de 7.500 propositions⁴.
Bon à savoir
Une validation par les instances consultatives.
Avant sa publication, la PPE3 doit être examinée par plusieurs instances : le Conseil national de la transition écologique (CNTE), le Haut-Commissaire à l'énergie atomique (HCEA), le Conseil supérieur de l'énergie (CSE), et recevoir l'avis de l'Autorité environnementale⁴. Cette multi-validation garantit la cohérence technique et environnementale du document.
Que contient la PPE3 pour votre entreprise ?
Des objectifs ambitieux de décarbonation
La PPE3 fixe le cap vers la neutralité carbone en 2050, avec des étapes intermédiaires cruciales pour 2030 et 2035⁵. L'objectif principal consiste à réduire drastiquement la part des énergies fossiles dans la consommation finale énergétique : de 60% en 2023 à 42% en 2030, puis à 30% en 2035 (dans la proposition soumise à consultation en mars 2025).
Cette évolution créera de nouvelles opportunités d'approvisionnement en énergie verte pour les entreprises, tout en imposant une adaptation de leurs stratégies énergétiques.
A noter : nous nous basons sur le communiqué de presse du Gouvernement à ce stade, le décret officiel n'étant pas encore publié. Ces éléments restent donc des projections tant que le décret ne sera pas officiellement adopté.
L'électrification des usages : une priorité stratégique
L'électrification des usages devient une priorité dans les transports, les bâtiments et l'industrie². Cette orientation stratégique concerne directement les entreprises qui devront progressivement substituer leurs équipements fonctionnant aux énergies fossiles par des alternatives électriques. Un changement qui nécessitera des investissements considérables mais qui s'inscrira dans la logique de décarbonation. Pour les entreprises poursuivant au gaz, des investissements importants sont prévus pour le développement du biométhane.
Relance du nucléaire et développement des renouvelables
En rupture avec la précédente PPE 2019-2024 qui prévoyait la fermeture de réacteurs nucléaires, la PPE3 acte la relance de l'atome². Le nouveau programme prévoit la construction de six EPR 2 et le développement de SMR (Small Modular Reactors)³.
Parallèlement, les énergies renouvelables conservent une place importante avec une accélération des renouvelables marins et un maintien de l’objectif pour l'éolien terrestre à 33 GW pour 2030. Ce chiffre apparaît dans la version soumise à consultation, mais reste à confirmer dans le décret PPE définitif compte-tenu de l'annonce du décalage des objectifs EnR.
La PPE3 devrait engager une relance des investissements dans l’hydroélectricité également. L’hydroélectricité représente 14% de la production électrique en France en 2024 (2° source de production), il est donc essentiel d’entretenir les installations. L’investissement dans ces moyens de production bas carbone permettra d’avoir une électricité à prix compétitif.
Quels changements pour le photovoltaïque ?
Les derniers arbitrages de la PPE3 confirment une trajectoire révisée pour le photovoltaïque avec 54 GW installés en 2030 (contre une fourchette de 54 à 60 GW dans la version précédente) et 65 à 90 GW en 2035⁴. Cette révision n'impacte cependant pas la production électrique photovoltaïque en TWh, qui reste stable voire augmente.
Pour les entreprises, cette évolution se traduit par une segmentation ajustée des projets : 54% pour les grandes installations (38% au sol et 16% sur grandes toitures), 5% pour les petites installations au sol et 41% pour les petites et moyennes toitures⁴. A voir si les changements prévus pour le photovoltaïque sont maintenus dans le décret.
Évolution des certificats d'économies d'énergie
Les décrets de la sixième période des certificats d'économies d'énergie (CEE) (2026-2030, dite P6) sont encore en attente de publication. Lors du dernier Comité de pilotage CEE, les objectifs annoncés ont suscité de nombreuses réactions, notamment de la part de l'Anode. Il était initialement question d'un quasi-doublement de l'obligation par rapport à la 5ᵉ période, avec un niveau d'obligation fixé à 1 050 TWh cumac et une consommation finale retenue de 1 381 TWh. Suite aux retours des parties prenantes, les coefficients d'obligation par énergie (notamment gaz et électricité) ont été revus à la baisse dans la version du 24 juillet, tout en maintenant l'objectif global à 5 250 TWhc. Les trajectoires restent à confirmer par le décret de la P6.
Soutien maintenu pour le biogaz
Pour 2030, la PPE3 fixe un objectif de 50 TWh PCS de production de biogaz, dont 44 TWh PCS injectés dans le réseau⁴. Le choix est fait de maintenir le dispositif de tarif d'achat garanti par l'État pour les petites installations (moins de 25 GWh PCS de production par an), et de mettre en place un mécanisme de soutien extrabudgétaire pour le financement des nouvelles grandes installations de production de biométhane. Cette stabilité réglementaire sécurise les investissements des entreprises dans la méthanisation.
A noter : Les entreprises peuvent choisir de passer au biogaz. Chez Ekwateur, nous proposons des offres de gaz adaptées aux professionnels. Un moyen facile de s’engager dans la transition énergétique !
De nouveaux mécanismes d’effacement
La PPE3 prévoit la mise en place de mécanismes incitatifs pour développer la flexibilité énergétique, au bénéfice des entreprises qui ont la possibilité de décaler ou d'effacer leur consommation.
L'effacement consiste à réduire temporairement sa consommation d'électricité lors des pics de demande sur le réseau électrique. Concrètement, une entreprise peut par exemple arrêter certains équipements non essentiels pendant quelques heures ou décaler l'utilisation de machines énergivores.
En acceptant de moduler leur consommation, les entreprises peuvent bénéficier de compensations financières. C'est un moyen simple de réduire sa facture d’énergie, tout en contribuant à la stabilité du réseau électrique français. Plus l'entreprise consomme habituellement, plus le potentiel de gains est important.
Quand entre en vigueur la PPE3 ?
Une incertitude persistante sur le calendrier
A l’heure actuelle, la date d'entrée en vigueur de la PPE3 reste incertaine. Initialement prévue pour le printemps 2025, la publication a été repoussée à la fin de l'été par le Premier ministre François Bayrou³. Ce report fait suite aux tensions politiques et aux critiques sur la méthode d'adoption par décret.
Sous pression, François Bayrou a proposé un débat sans vote à l'Assemblée nationale puis au Sénat². Un groupe de travail copiloté par le député Antoine Armand et le sénateur Daniel Gremillet devait rendre ses conclusions fin mai 2025 pour éclairer les décisions gouvernementales.
Malgré l'horizon "avant l'été" évoqué fin avril par la porte-parole du gouvernement Sophie Primas², aucune date précise n'a été communiquée depuis lors. Cette incertitude pose des défis majeurs pour les entreprises du secteur de l’énergie, d’autant que le gouvernement souhaite une publication du décret aussi tôt que possible quitte à le modifier par la suite. Or le gouvernement Bayrou risque de chuter le 8 septembre, à l’occasion du vote de confiance.
Quel est l’impact du retard de la PPE 3 pour les entreprise ?
Ce report a des conséquences directes sur l'économie. Le secteur des énergies renouvelables a exprimé sa préoccupation face à cette situation qui compromet la visibilité nécessaire pour les investissements. Jules Nyssen, président du Syndicat des énergies renouvelables (SER), souligne que l'absence d'appels d'offres met en péril 8.000 emplois rien que dans le secteur de l'éolien en mer³.
¹ https://www.ecologie.gouv.fr/politiques-publiques/programmations-pluriannuelles-lenergie-ppe
² https://www.connaissancedesenergies.org/afp/ppe-3-les-enjeux-du-texte-sur-la-feuille-de-route-energetique-de-la-france-250428
³ https://bati.zepros.fr/actu-generale/transition-energetique-gouvernement-reporte-ppe3-fin-ete
⁴ https://www.banquedesterritoires.fr/programmation-pluriannuelle-de-lenergie-la-derniere-phase-de-consultation-publique-enclenchee