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L'huile de friture usagée, l'avenir des biocarburants ?

Et si votre barquette de frites d’hier alimentait les avions de demain ? Vous ne l’attendiez pas, pourtant, c’est arrivé : l’huile de friture usagée est de plus en plus utilisée pour produire des biocarburants d’aviation durables (SAF). Moins polluant que le kérosène traditionnel, ces carburants alternatifs peuvent réduire jusqu’à 80 % des émissions de CO₂. Alors, solution miracle pour une aviation plus verte ou rêve inatteignable ? Pas si simple… Entre défis logistiques, fraudes à l’huile de palme et coûts élevés, le chemin vers des vols plus écolos est encore semé d’embûches.


L'huile de friture usagée pour réduire l'impact environnemental de l'avion ?

Le secteur aérien est responsable à lui seul d'environ 2 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre¹. Un chiffre en constante augmentation avec la croissance du trafic aérien et - par là même - de quoi s’interroger sur les alternatives possibles pour adoucir ce bilan, pour le moins inquiétant. 

Alors, imaginez un instant que votre goût pour la nourriture un tantinet calorique puisse propulser un avion. Fantasme, dites-vous ? Eh bien non, il s’agit bel et bien d’une réalité en plein essor dans le secteur aéronautique. Face à la pression croissante pour réduire leur empreinte carbone, les compagnies aériennes se tournent en effet vers des solutions innovantes, et l'huile de friture usagée en fait partie (PS : on précise quand même que l’abus de frites est peu recommandé pour la santé, même si c’est pour faire voler des avions 😉 !).

Les biocarburants issus de déchets, comme les huiles de friture usagées, sont classés parmi les biocarburants de seconde génération. Contrairement aux biocarburants de première génération, produits à partir de cultures alimentaires, ils n'entrent pas en concurrence avec la production alimentaire et contribuent à l'économie circulaire. Leur utilisation pourrait réduire les émissions de CO₂ jusqu'à 80 %². Pas mal, non ? ​

Ainsi, en mai 2021, un Airbus A350 d'Air France a effectué un vol entre Paris et Montréal en utilisant un carburant composé à 16 % d'huiles de cuisson usagées³. Cette initiative, saluée par les autorités, démontre la faisabilité technique de l'utilisation de tels biocarburants dans l'aviation commerciale. ​

C’est quoi les SAF ?

Les SAF (Sustainable Aviation Fuels), ou carburants d’aviation durables, sont des alternatives aux carburants fossiles classiques. Ils sont fabriqués à partir de sources renouvelables comme (on vous le donne en mille) les huiles de friture usagées, les déchets agricoles ou même certaines algues.

Cependant, malgré leurs indéniables avantages, plusieurs obstacles freinent l'adoption généralisée de ces biocarburants : 

  1. La disponibilité limitée des huiles usagées pose la question de l'approvisionnement. En Europe, la demande dépasse l'offre locale, ce qui conduit à des importations massives, notamment d'Asie. En Chine, par exemple, ce sont pas moins de 150 000 tonnes de déchets, issus des fondues de viandes et de légumes, qui sont recyclés chaque année pour être transformés en carburant durable, puis vendus aux compagnies aériennes⁴. Là où le bât blesse, c’est que cette situation ouvre la porte à des fraudes. Autrement dit, certaines huiles vierges sont vendues comme usagées.
  2. D’autre part, même si des vols tests ont été réalisés avec des mélanges contenant jusqu'à 100 % de biocarburants, leur utilisation à grande échelle reste limitée. Les infrastructures de production et de distribution doivent être développées pour répondre aux besoins du secteur aérien.​ Par ailleurs, les SAF coûtent encore trois à quatre fois plus cher que le kérosène⁴ !

L'utilisation d'huiles de friture usagées comme carburant pour avions est une avancée notable vers une aviation plus durable. Toutefois, elle ne constitue qu'une partie de la solution. D'autres innovations, comme les avions électriques ou à hydrogène, ainsi que des mesures visant à réduire le nombre de vols, seront nécessaires pour atteindre les objectifs climatiques.​

De l’huile de palme vendue comme huile de friture usagée

Vous n’êtes probablement pas passé·e à côté des scandales successifs qui entourent l'huile de palme. Extraite des fruits du palmier à huile, elle est largement utilisée dans l'industrie alimentaire et cosmétique. Le hic ? Sa production massive est souvent associée à la déforestation et à la perte de biodiversité. En effet, la production de cette ressource a pour conséquence de détruire les écosystèmes, de menacer les populations et la vie sauvage, ainsi que le climat global⁵. Maël vous en dit plus ! 

Vous l’avez compris, là où le bât blesse du côté des biocarburants, c’est que la demande croissante en huiles usagées destinées à l'industrie aéronautique a conduit à des pratiques frauduleuses. En effet, selon divers rapports, il arrive que de l'huile de palme fraîche soit mélangée à des huiles usagées, ou même directement vendue comme telle pour être utilisée dans la production de biocarburants. Une supercherie qui permet aux fraudeur·se·s de profiter des subventions et des avantages fiscaux réservés aux carburants durables, tout en contournant les réglementations environnementales. Selon l'ONG Transport & Environment, une partie des huiles de cuisson consommées en Asie est ainsi détournée vers un marché illégal, échappant ainsi aux circuits officiels de collecte et de recyclage⁶. ​

La fraude est loin d’être sans conséquences, puisque l'utilisation d'huile de palme non certifiée dans les biocarburants annule de facto les bénéfices environnementaux escomptés. En effet, la production d'huile de palme contribue notamment à la déforestation et à la disparition de nombreuses espèces comme les Orangs-outans.

En France, TotalEnergies a fait les choux gras de la presse en 2016 sur cette fameuse question. La multinationale a en effet pris la décision de recourir à cette huile, très controversée, dans sa raffinerie de La Mède transformée en bioraffinerie. Bien que l'UE ait encouragé l'utilisation de biocarburants pour atteindre ses objectifs d'énergie renouvelable, cette pratique a conduit à une forte demande en huile de palme, entraînant déforestation, accaparement des terres, hausse des prix alimentaires et autres joyeusetés. Après plusieurs années de lutte et une montée au créneau d’ONG comme Canopée ou les Amis de la Terre, l’Hexagone a enfin cessé de subventionner l'huile de palme en 2020, suivie par plusieurs pays européens comme la Belgique et l’Allemagne. Bel exploit, non ?

L’huile de palme : chronologie d’un déclin annoncé

La bonne nouvelle, c’est qu’en 2017, la Commission européenne a proposé d'interdire l'huile de palme dans les biocarburants d'ici à 2030, principalement à cause de son impact environnemental. En 2018, le Parlement européen (bien avisé) a validé cette idée, en optant pour une suppression progressive de l’huile de palme, avec une phase de transition jusqu'en 2023. Enfin, en 2020, l'UE a enfin commencé à passer à l'action en entamant cette interdiction pour tenir ses engagements climatiques et environnementaux !

Vous l’aurez compris, pour faire de l’huile de friture une alternative réellement viable aux carburants fossiles, il est indispensable de développer un cadre légal et des infrastructures adaptées, tout en encourageant les investissements dans le secteur de l’aviation. Alors, en attendant que vos assiettes de frites vous garantissent un Paris - Bangkok zéro émission, est-ce qu’on ne ferait pas un petit point sur la meilleure façon de voyager (et d’adoucir son empreinte carbone) ?

Comment voyager bas-carbone ?

Vous vous en doutez déjà : tous les moyens de transport ne se valent pas en termes d’émissions de CO₂. Regardons de plus près ce que ça donne pour un voyage de 600 km :

Le TGV est ainsi près de 100 fois moins carboné que l’avion 😮 Face à un succès grandissant, de nouvelles lignes s’ouvrent pour relier les grandes villes européennes comme Paris-Berlin fin 2024. Encore mieux : certaines lignes de train ont tellement de succès qu’elles provoquent la fermeture de trajets en avion ! C’est le cas de la liaison Madrid-Barcelone qui, dès fin mars 2025, ne sera plus desservie par la compagnie d’aviation Vueling grâce aux TGV qui relient les deux villes en seulement 2 h 30.

Vous cherchez une destination accessible en train ? Il y en a bien plus que ce que vous ne pensez : le site Mollow.eu répertorie d’ailleurs plus de 150 destinations accessibles en train depuis la France. Jetez-y un œil pour organiser vos prochaines vacances !

Pour aller plus loin dans la tendance « slow tourisme » [comprenez : voyager en prenant son temps] pourquoi ne pas opter pour le vélo ? La bonne nouvelle, c’est qu’il existe tout un tas d'itinéraires à réaliser en France notamment sur francevelotourisme.com et partout ailleurs sur geovelo.app :que ce soit le long des canaux, dans les montagnes ou à travers des villes européennes, vous avez l’embarras du choix ! Voyager à vélo, c’est l’occasion de profiter des paysages tout en respectant la planète. En plus, c’est une manière cool de découvrir de nouveaux endroits à un rythme tranquille, sans se presser !

Enfin, si l’avion est vraiment incontournable, mieux vaut toutefois opter pour une compagnie qui investit dans des avions plus économes en carburant et utilise des carburants d’aviation durables : les fameux SAF. La bonne nouvelle, c’est que certaines affichent leur bilan carbone par passager, ce qui peut orienter votre choix.

Bon à savoir

Notez également qu’un vol avec escale peut générer jusqu'à 50 % d’émissions supplémentaires en raison des phases de décollage et d’atterrissage⁸. Si possible, privilégiez les trajets directs et regroupez vos déplacements pour éviter les allers-retours inutiles.

En attendant [patiemment] l’arrivée d’un avion tout doux pour l’environnement, transformer vos vacances à Bangkok en une virée à Séville semble être une belle alternative [un chouilla moins dépaysante, on vous l’accorde] pour voyager autrement !

Photo de DANIEL YAMPOLSCHI:

Sources

¹https://www.ecologie.gouv.fr/politiques-publiques/aviation-changement-climatique
²https://bigmedia.bpifrance.fr/nos-dossiers/biocarburants-des-carburants-verts-pour-une-mobilite-propre-et-durable
³https://www.science-et-vie.com/article-magazine/le-jour-ou-un-avion-francais-a-vole-a-lhuile-de-friture
⁴https://www.carbone4.com/analyse-faq-aviation-climat
⁵https://www.wwf.fr/champs-daction/alimentation/deforestation/huile-palme
⁶https://www.novethic.fr/environnement/transition-energetique/huile-de-palme-ou-de-friture-soupcons-de-fraude-aux-carburants-aeriens-durables
⁷https://www.canopee.ong/campagnes/huile-de-palme-chronologie-dune-victoire-contre-total/⁸https://bigmedia.bpifrance.fr/nos-dossiers/empreinte-carbone-dun-vol-en-avion-calcul-et-compensation

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