En janvier dernier, j’étais invité par l’Andra (Agence Nationale pour la Gestion des Déchets Radioactif) à Bure dans la Meuse, au cœur du projet CIGEO, projet d’enfouissement des déchets nucléaires les plus dangereux.
Eh oui, consommer et vendre de l’énergie verte ne nous exempte pas de nous questionner sur la gestion des déchets radioactifs en France (la poussière sous le tapis n’est pas notre philosophie). Retour sur 4 enseignements clés après cette journée pas comme les autres.
11 juin 2018
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Je me suis rendu à cette journée les mains dans les poches, fort de ma formation et de mon contact avec des équipes planchant sur la caractérisation de déchets radioactifs, lorsque je travaillais en Belgique. Du projet CIGEO je ne savais rien, juste ce qu’en disent les médias. Maintenant je me rends compte que définitivement… l’enjeu du stockage des déchets nucléaires est complexe sur le plan technique, mais aussi sur le plan humain.
Cette journée fut pour moi riche en apprentissage. Mais je retiendrai surtout une chose : malgré mon manque d’expertise sur les aspects techniques du projet (composition des sols, tests en tout genre, paramètres à prendre en compte, etc.), les gens y travaillant semblent prendre leur tâche très au sérieux, paraissent conscient des enjeux et surtout travaillent avec beaucoup de minutie.
Et puis de tels tunnels, à de tels profondeurs, cela donne une œuvre titanesque. Et un peu comme les tombeaux antiques, ça me renvoie à des réflexions sur la force du génie humain…
L’enjeu de durabilité, chez Ekwateur… ça nous connaît. Mais la durée d’un projet comme CIGEO, prévu pour conserver des déchets sur des milliards d’années… ça change la donne. L’humanité n’a pas vraiment l’habitude de gérer une telle échelle de temps.
Rien que le temps prévu avant l’enfouissement des déchets est de 150 ans ! Quand on sait que nous construisons aujourd’hui une Tour à la Défense en 6 mois… cela donne une idée de la quantité d’énergie nécessaire pour faire des trous et tunnels à 500 mètres de profondeur, c’est monstrueux. D’ailleurs, est-ce bien pris en compte dans le calcul de rendement d’une centrale nucléaire ?
25 milliards d’euros, c’est le coût prévisionnel du projet CIGEO, un projet (ils me l’ont dit) réversible tout le temps de son fonctionnement (soit plus de 100 ans). Un coût gigantesque ! Imaginez ce que nous aurions pu faire si ce montant avait été investi dans les énergies renouvelables… Ça laisse rêveur.
Ce coût est bien évidemment détaillé et rendu public mais sérieusement… arrêtons dès aujourd’hui d’empiler ces déchets. Cette visite me conforte dans l’idée qu’il n’en faut pas davantage. Il faut sortir du nucléaire pour les énergies renouvelables mais ça… c’est un autre débat !
Je me suis aussi arrêté en chemin pour parler aux opposants. Tout aussi sympas, ils ont passé 30 min à nous expliquer leur point de vue. Il faut toujours regarder les deux côtés d’une pièce avant de se faire une idée.
Je remercie donc l’Andra pour cette invitation étonnante mais très agréable, et pour la transparence des échanges. Des portes ouvertes sont je crois proposées au public plusieurs fois dans l’année, je vous le conseille. Aller voir, c’est mieux comprendre.
Julien Tchernia, co-fondateur Ekwateur