L’Union of Concerned Scientist déclare que l’impact environnemental des trajets Uber et Lyft est de 69% supérieur aux modes de transports qu’ils remplacent.
Pour les personnes soucieuses du climat, posséder une voiture est un choix difficile : nous ne pouvons pas vivre avec elles et il est très difficile de vivre sans. Alors que les services de VTC* (Voiture de Transport avec Chauffeur) tels qu’Uber et Lyft ou plus anciennement taxi sont en train de réduire notre dépendance vis-à-vis de la possession d’une voiture, ils ne résolvent pas nos problèmes environnementaux. D’après un rapport publié mardi 3 mars 2020, par l’organisme à but non lucratif l’Union of Concerned Scientist, ces services représentent désormais jusqu’à 13% de la circulation automobile dans les centres-villes.
Le rapport évalue avec attention le secteur du VTC et tout particulièrement son bilan environnemental. L’étude estime qu’aux États-Unis, un trajet moyen en VTC entraine une augmentation de pollution de 69% par rapport aux transports qu’ils remplacent. Les effets sont encore plus importants dans les centres-villes et les banlieues, où les personnes sont plus enclines à choisir des trajets à la demande plutôt que de faire leurs trajets en transports en commun, à pied ou à vélo.
29 avril 2020
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En analysant les données publiques de sept villes en Amérique, le rapport révèle la première problématique environnementale : les économies de carburant qui ne sont pas suffisantes pour compenser le nombre de kilomètres parcourus sans voyageur. Connue sous le nom de « deadheading », soit en français « passager fantôme », cette tendance représente les kilomètres parcourus sans usagers dans la voiture. Un phénomène aussi observé chez les taxis qui rend le trajet 47% plus polluant qu’un trajet en voiture privée, selon CityLab.
De plus, une enquête auprès de certains passagers en Californie a révélé la deuxième problématique majeure des trajets en VTC : ils remplacent les voyages qu’ils auraient autrement effectués en bus, métro, tramway, à vélo, ou à pied. L’utilisation massive de VTC aurait donc pour conséquence l’augmentation des déplacements des véhicules, de la pollution, la congestion du service routier et la hausse des accidents de la route. Le rapport apporte une distinction entre les trajets non groupés dans lesquels les usagers se rendent directement à leur destination, et les trajets groupés, dans lesquels la voiture récupère d’autres passagers sur le chemin.
La troisième problématique principale réside dans le fait que la grande majorité des déplacements se font dans des voitures utilisant des énergies fossiles et que 28% du temps, ces voitures remplacent des modes de mobilité plus douce.
Selon une étude de l’entreprise Euromonitor, nous observons une augmentation du nombre de chauffeurs Uber en Europe. En effet, en France et à Londres, le nombre de chauffeurs VTC déclarés a doublé ces trois dernières années.
Londres est devenu le cœur du marché européen pour des applications comme Lyft et Uber. Depuis l’implantation des services, les déplacements en taxi et en VTC ont augmenté de 25% dans la capitale anglaise. Des données fortement liées avec une hausse de 23% des émissions de CO₂ du secteur au cours de cette même période.
L’étude rapporte que les déplacements engendrés par les VTC (Taxi, Uber, Lyft et autre) à Londres et à Paris pourraient atteindre une demi-mégatonne de CO₂, ce qui équivaudrait à ajouter au secteur du transport l’équivalent de 250 000 voitures privées supplémentaires. De plus selon les données du gouvernement français pour 2017, 90% des véhicules immatriculés cette année-là étaient des voitures diésel.
Les émissions dues aux transports représentent plus du quart des émissions de gaz à effet de serre de l’Union européenne et les voitures représentent près de la moitié de ces émissions. Les projections indiquent que les émissions dues aux transports devront être réduites à zéro d’ici 2050 au plus tard afin d’atteindre les objectifs de l’accord de Paris. Cela impliquerait que les voitures à essence ou diésel ne devraient pas être vendues après 2035.
En dépit du défi de taille, Uber et Lyft ont tous les deux démontré une envie d’améliorer leur impact carbone sur les prochaines années. Jusqu’à présent, ils ont inclus dans leurs applications respectives un service de partage de vélos et de scooters, une billetterie pour les transports publics ainsi qu’une série de programmes afin d’inciter les conducteurs et chauffeurs à passer aux voitures électriques.
Malgré ces efforts, la grande majorité des déplacements qui ont lieu sur les plateformes d’Uber et de Lyft se font dans des voitures non électriques. Les entreprises ont essayé de promouvoir le trajet mutualisé, néanmoins, les client-e-s se montrent réticent-e-s à l’idée de partager leur voyage avec des inconnu-e-s, une option mise en suspens due à la crise sanitaire du Covid-19. De plus, la mise en place de la connexion entre les plateformes et les transports en commun a été lente. Même chose pour les services de partage de vélos et de scooters qui sont soumis à des règlementations locales et aux conditions du marché, impactant la fiabilité et la rapidité du système.
Le rapport énumère également un nombre de solutions que les entreprises et les voyageurs pourraient adopter afin de diminuer les impacts climatiques du secteur des VTC. Notamment en augmentant la possibilité d’utilisation de véhicules électriques et hybrides rechargeables et en soutenant le covoiturage et le transport public. Il note qu’Uber et Lyft ont stimulé la mobilité dans les quartiers auparavant mal desservis par les transports en commun et pour les passagers handicapés.
Cependant malgré toutes ces mises en place récentes, le rapport dénonce un manque d’effort de la part d’Uber et de Lyft, dans la lutte contre la pollution et, indique que les solutions proposées jusqu’à présent ont peu de chances de résoudre le problème central des VTC.
Campbell Matthews, porte-parole de la société Lyft, a qualifié la nouvelle étude de « trompeuse », car le secteur du VTC ne représente qu’une petite partie des émissions du secteur des transports. Le rapport ne prendrait pas en compte les avantages environnementaux associés aux personnes qui ont vendu leur voiture ou renoncé à en acheter une grâce à la disponibilité de plateformes comme Uber et Lyft (et à un tarif plus accessible que le tarif pratiqué par les taxis). « Lyft encourage l’utilisation de trajets partagés, elle a été la première entreprise de VTC à mettre des informations sur les transports en commun dans l’application. L’année dernière, elle a effectué l’un des plus grands déploiements de véhicules électriques du pays », a déclaré Campbell Matthews. « Nous sommes impatients de poursuivre ce travail en partenariat avec les villes, pour faire progresser le transport partagé et durable. »
Xavier Van Chau, un des porte-paroles d’Uber a fait écho à ce sentiment. « Nous voulons qu’Uber fasse partie de la solution pour lutter contre le changement climatique en travaillant avec les villes pour aider à créer un avenir de transport à faible émission de carbone », a-t-il déclaré. « Pour libérer les opportunités que nous avons de réduire les émissions, nous continuerons d’investir dans des produits et de plaider pour des politiques qui réduisent la possession de voitures, favorisent davantage le covoiturage et qui soutiennent une plus grande adoption de vélos, scooters, véhicules verts et l’utilisation des transports en commun ».
Afin de devenir plus respectueux du climat, le rapport a conclu que les services de VTC pourraient électrifier leurs « flottes » ou encore convenir d’une amélioration des tarifs et de la commodité du covoiturage, ce qui encouragerait l’utilisation des transports en commun. Fournir des « connexions au premier et au dernier kilomètre » qui remplaceraient le trajet que le bus, métro, tramway et autre ne couvrirait pas. Cela encouragerait les villes à mettre en place des voies spécialement réservées au covoiturage et d’appliquer des tarifs réduits pour les passagers.
Le rapport parle aussi de la responsabilité des pouvoirs publics pour améliorer les transports en commun et a souligné l’importance de lois pour l’électrification de l’industrie du VTC. Par exemple, l’application Lyft a mis à profit ses crédits d’impôt du Colorado pour mettre à disposition de ses conducteurs 200 véhicules électriques.
Parmi les recommandations des chercheurs de l’UCS : encourager les entreprises de VTC à partager plus de données avec les régulateurs gouvernementaux. La réticence de l’industrie à rendre les données sur les voyages disponibles a limité la capacité des dirigeants et des universitaires à comprendre et à freiner les impacts de ce nouveau mode de déplacement, y compris son impact environnemental.
« Les déplacements en voiture font augmenter les émissions de gaz à effet de serre », explique Don Anair, l’un des co-auteurs du rapport. « Mais si les entreprises prennent des mesures significatives pour développer les véhicules électriques et les trajets en commun – et que les dirigeants et les consommateurs peuvent aider – alors ces services peuvent faire partie d’un avenir de transport à faible émission de carbone. »
* Qu’est-ce qu’un service VTC ?
Les services VTC sont des applications qui connectent des utilisateurs à des chauffeurs. C’est une offre qui permet aux utilisateurs d’engager un chauffeur le temps d’un trajet, en « hélant » (maintenant plus besoin d’apprendre à siffler) virtuellement une voiture et un chauffeur depuis l’application. Les paiements se font sans argent liquide et sont gérés par l’application. Le prix pratiqué est souvent moins élevé que le prix d'un taxi.
Maintenant vous savez tout sur ce nouveau mode de transport et vous avez toutes les cartes en main pour participer à votre niveau à la transition énergétique en adaptant vos déplacements.