Afin que chaque Français puisse bénéficier d’un accès équitable à la rente nucléaire du parc de production historique, les client-e-s des fournisseurs d’électricité alternatifs ont un droit d’Accès Régulé à l’Électricité Nucléaire Historique (droit d’ARENH). Défini dans la loi NOME celui-ci a été mis en place pour une période située entre 2011 et 2025.
24 avril 2020
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Ce droit leur donne la possibilité, au travers de leurs fournisseurs, de demander un accès à un tarif régulé pour un volume d’énergie fixé règlementairement, suivant des règles strictes. Si la demande est quasi identique à celle de l’année dernière, elle n’en reste pas moins bien plus importante que ne le permet ce mécanisme. Pourquoi ? Entre crise sanitaire et ralentissement de la concurrence, les raisons peuvent être inquiétantes pour l’avenir du marché de l’électricité français.
Pour beaucoup, l’accès régulé reste un mécanisme obscur dont les rouages sont difficilement saisissables. En tant que fournisseur d’électricité alternatif, il est de notre devoir de vous éclairer au mieux afin que vous puissiez comprendre ce dispositif et vous faire votre propre avis sur le sujet en ayant toutes les clés en main.
En résumé, l’ARENH est un droit dont dispose chaque Français-e de profiter de la compétitivité du parc nucléaire historique.
Car le parc nucléaire, que détient EDF, a été amorti dans sa totalité via les factures d’électricité des Français-e-s du temps du monopole. Chacun y a donc contribué sans pouvoir exercer un choix. Par ailleurs, nous subissons aussi, tous les jours, les risques liés à l’énergie nucléaire, quel que soit notre fournisseur. Il est donc normal que chaque citoyen.ne puisse bénéficier d’un accès à la compétitivité de l’énergie nucléaire, et ce, quel que soit le fournisseur d’électricité choisi.
Un « prix » de l’électricité nucléaire a ainsi été calculé, il est de 42 €/MWh à compter du 1er juillet 2012. Pour le/la client-e d’EDF cette compétitivité se traduit dans les Tarifs Règlementés de Ventes (TRV) dont la valeur est basée en grande partie sur ce « prix » du nucléaire. Pour que les client-e-s n’ayant pas souscrit chez EDF profitent aussi de ce « prix », l’État, quelques années après l’ouverture du marché à la concurrence (en 2007), a décidé d’imposer au fournisseur historique certaines règles parmi lesquelles se trouve l’ARENH.
Créée par la loi n° 2010-1488 du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l’électricité (dite loi NOME), celle-ci garanti alors un accès à l’énergie nucléaire à un prix raisonnable pour tous-tes les Français-es. Cet ARENH permet aux fournisseurs alternatifs d'acheter de l'électricité française d'origine nucléaire auprès d'EDF. C'est un droit pouvant être exercé pour les client-e-s au moment où les fournisseurs achètent l’énergie.
En effet, lorsque nous achetons directement auprès d’un site de production, l’énergie que nous recevons dépend de la production réelle, qui peut varier en fonction de la météo, par exemple. Le droit d’ARENH, lui, est fixe et ne dépend pas du tout de la production réelle du parc nucléaire. Ainsi, EDF doit vendre aux fournisseurs d’électricité alternatifs un certain volume d’énergie calculé réglementairement à un prix de vente fixe, et ce, quels que soient les volumes d’énergie produits par EDF.
Le tarif de cette électricité est fixé à 42€ du MWh, et ce depuis 2012. Du 1er juillet 2011 au 31 décembre 2011, le prix était de 40€ par MWh. En fonction de leur nombre de client-e-s, une à deux fois par an, les fournisseurs peuvent donc déposer leurs demandes d’ARENH à la CRE (Commission de Régulation de l’Énergie) pour l’année à venir.
L’argent perçu par ce dernier via cet achat d’électricité ne revient d’ailleurs pas directement aux centrales nucléaires mais à EDF en général.
Pour commencer, il faut savoir que ce droit ne couvre pas la totalité de la consommation des client-e-s des différents fournisseurs. Il couvre aux alentours de 75 % du volume d’énergie (68% pour les besoins en énergie des particuliers).
Pour calculer cette moyenne, c’est la consommation d’un-e client-e l’été ainsi que sa consommation nocturne au printemps et en automne qui rentre en ligne de compte. Certains profils de consommateurs peuvent disposer d’une proportion de droit d’ARENH plus importante s’ils consomment plus la nuit (puisque c’est cette consommation-là qui compte), à titre d’exemple : les profils d’éclairage public.
C’est seulement après consommation de l’énergie que la CRE peut vérifier le montant exact du droit d’ARENH alloué à un-e client-e. La demande par les fournisseurs est donc basée sur une estimation de la consommation de leurs client-e-s. Et pour éviter les abus, si un fournisseur d’électricité demande plus que la consommation réelle de ses client-e-s, il devra payer une pénalité très dissuasive.
Enfin, dans la mesure où ce droit d’ARENH ne couvre pas la totalité des besoins en énergie des client-e-s, les fournisseurs alternatifs achètent la différence soit auprès des producteurs directement soit sur le marché de l’énergie au prix du marché de l’énergie le jour de l’achat. Les fournisseurs peuvent aussi choisir de ne pas exercer les droits à l’ARENH de leurs client-e-s et d’acheter l’intégralité de leur besoin d’approvisionnement sur le marché.
Pour 2021, la CRE a reçu « un total de demandes de 146,2 TWh formulé par 81 fournisseurs d’électricité ». Une légère baisse comparée aux 147,0 TWh demandés l’an passé par seulement 73 fournisseurs d’électricité.
Cette légère baisse est surprenante car la plupart des fournisseurs d’électricité s’attendaient à une grosse réduction par rapport aux demandes d’ARENH formulées. Cela prouve soit que les parts de marché détenues par les fournisseurs alternatifs sont restées équivalentes à celles de l’année précédente, soit que les fournisseurs anticipent une consommation faible de leurs client-e-s en 2021, prévoyant peut-être un nouveau confinement, ou plus globalement une baisse de l’activité économique.
Néanmoins, malgré cette baisse, la somme des droits d’ARENH reste malgré tout au-dessus du maximum que prévoit l’ARENH. Il y a plusieurs raisons à cela.
Il faut d’abord savoir que l’ARENH est soumis à un plafond fixé à 100TWh soit environ 25% de la production nucléaire d’EDF (qui est en moyenne de 400 TWh). Ces 25% sont répartis entre les fournisseurs d’électricité alternatifs qui en font la demande pour leurs client-e-s. Ainsi, si la demande dépasse le plafond alloué, tous les droits sont revus à la baisse afin de rester dans les 100TWh règlementaires.
Comme nous l’avons vu plus haut, pour le moment, le plafond de l’ARENH est fixé à 100 TWh partagés entre tous les fournisseurs d’électricité qui font des demandes d’ARENH… et depuis 2 ans, ce plafond est dépassé systématiquement.
Cela s’explique par le fait que, la part de marché des fournisseurs d’électricité alternatifs devient de plus en plus importante au fil des années (l’année 2020 faisant figure d’exception sur ce point) laissant place à une concurrence sur le marché. Pour preuve, selon l’observatoire des marchés de détail de la CRE, le portefeuille de client-e-s des fournisseurs alternatifs représentait 145 TWh en 2018, 161 TWh en 2019 et 163 TWh en 2020 (données au 30 juin 2020).
De ce fait, les 100 TWh proposés par l’ARENH ne peuvent plus représenter 75% des consommations en moyenne. Et dans la mesure où ces 75% ne sont plus atteints, cela signifie qu’une plus grande quantité d’énergie est achetée hors du dispositif ARENH (donc à des prix plus élevés).
Des prix qui se font ensuite sentir sur la facture d'électricité des client-e-s non seulement des fournisseurs alternatifs, mais également des consommateurs approvisionnés au Tarif Règlementé de Vente d’EDF, dont le calcul réplique ce « rationnement ». Les factures de tous-tes les Français-e-s sont donc mécaniquement revues à la hausse par l’existence de ce plafond.
La CRE a insisté une nouvelle fois auprès des autorités françaises et européennes sur la nécessité de revoir les volumes d’ARENH alloués en ajoutant que ce mécanisme tel qu’il est conçu aujourd’hui « n’est plus adapté à la situation actuelle sur le marché français de l’électricité » (Communiqué du 30 novembre sur l’allocation d’ARENH pour 20210). Ce point de vue est partagé par les fournisseurs d’électricité alternatifs qui réclament des volumes plus adaptés aux besoins de leurs client-e-s.
Que celui ou celle qui n’a pas entendu parler de crise sanitaire en 2020 lève la main. Personne… c’est bien ce que l’on pensait 😉.
Comme vous avez pu le constater vous aussi, on observe une très légère baisse des demandes d’ARENH pour 2021 avec 146,2 TWh contre 147,0 TWh l’année dernière pour un nombre plus important de demandes. Cette légère baisse peut donc s’expliquer de deux façons selon l’analyse de la CRE :
Le plafond étant toujours fixé à 100 TWh et la demande toujours plus élevée que ce plafond, la CRE a annoncé qu’elle répartirait les volumes d’ARENH disponibles entre les fournisseurs en fonction de l’importance de leur demande et que « chaque fournisseur d’électricité concerné recevra une quantité d’ARENH égale à 68,39% de sa demande ».
Le mécanisme de l’ARENH actuel devrait en tout état de cause être profondément remanié : le gouvernement a mis au point un projet de réforme actuellement en discussion avec la Commission européenne. Cette réforme comprend également d’autres aspects dont la potentielle réorganisation d’EDF. Selon Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique, les négociations sont en cours de finalisation.
On espère que vous y voyez plus clair sur l’ARENH maintenant qu’avant de lire cet article 😉. Par ailleurs, si vous souhaitez en apprendre plus sur le fonctionnement de tout le dispositif entre ARENH et énergie renouvelable, nous vous invitions aussi à lire notre article sur les garanties d’origine. Notre but étant d’être en tout temps transparent-e-s avec vous 😊.
Il n’existe qu’un seul réseau électrique en France et ce réseau mélange tous les types d’énergies, qu’elles soient d’origine charbon, nucléaire, renouvelable ou autre. Il est donc impossible de certifier à un.e client.e que l’énergie qui arrive chez lui/elle est 100% verte. Néanmoins, il existe un système de traçabilité de l’énergie va ce qui s’appelle les Garanties d’Origine. Ces dernières sont délivrées par l’État aux producteurs d’énergie renouvelable afin de pouvoir tracer la quantité d’énergies renouvelables qu’ils injectent dans le réseau électrique français (ou européen).
Chaque kWh injecté sur le réseau dispose donc de son certificat garantissant son origine renouvelable. En fin d’année, ces garanties sont « annulées » afin de certifier que cette énergie a bien été consommée et pour ne pas la compter deux fois. Cela permet donc d’affirmer que pour chaque kWh consommé par nos clients, un kWh d’énergie issue du renouvelable a bien été injecté dans le réseau sans double comptage. En cela, Ekwateur achète chaque année toutes les garanties d’origine nécessaires à la consommation de ses clients.es.
Les garanties d’origines peuvent être achetées indépendamment de l’énergie ou achetées au même producteur à qui l’on achète l’énergie. Cela surprend souvent, mais il ne faut pas oublier que quand un producteur d’électricité issue de sources d’énergies renouvelables vend d’un côté son électricité à un acteur et de l’autre ses garanties d’origine à un autre, il a le même impact sur l'environnement que s'il vendait tout en même temps. Dans les deux cas, l’aspect « vert » de l’énergie est le même car la quantité d’énergie renouvelable injectée dans le réseau électrique français est la même. Ce qui compte c’est que seul un des deux acteurs puisse se revendiquer 100% vert. Celui qui en a le droit est celui qui a payé un surplus, c’est à dire celui qui a acheté la Garantie d’origine. C’est ainsi qu’un fournisseur d’énergie à le droit de dire qu’il est 100% renouvelable.
Cela n’a pas pu vous échapper, depuis le début de la crise et plus particulièrement du confinement, la consommation d’électricité en France a baissé de manière conséquente. C’est donc dans ce contexte de crise d’urgence, que nous avons invoqué la force majeure auprès d’EDF, comme auprès de nos autres fournisseurs et partenaires, pour corréler nos achats avec la baisse de la consommation énergétique de nos propres clients. Certains de nos détracteurs laissent penser que notre démarche est opportuniste et que nous cherchons à piller EDF. En fait nous ne tentons nullement d’échapper à nos obligations : nous appelons juste à ce qu'EDF n'étende pas nos engagements par rapport à ce qui était convenu par contrat.
En effet nous n’avons sollicité d’EDF que l'application des clauses de Force Majeure du contrat qui nous lie, telle que la CRE l'a rédigée avec le concours vraisemblable d'EDF. Il s'agit de l’article 10 de l’Accord-cadre pour l’ARENH que nous avons signé en 2016, qui définit la force majeure comme « un évènement extérieur, irrésistible et imprévisible rendant impossible l’exécution des obligations des Parties dans des conditions économiques raisonnables », ce qui va bien au-delà de ce que prévoit le code civil.
Dans ces conditions, comment ne pas considérer que l’épidémie de Covid-19 qui frappe tout le monde et tous les territoires ne constitue pas, en effet, un évènement extérieur, irrésistible et imprévisible ? Et comment nier que l’absence de conditions économiques raisonnables, résultant de la pandémie du Covid-19, tient bien au fait de la réduction massive de la consommation d’électricité et à l'effondrement corrélatif des prix sur les marchés de l’énergie?
Or, à notre plus grande surprise, EDF a considéré que l’ensemble des critères de la force majeure prévus à l’article 10 de l’accord cadre ARENH n’étaient pas rempli, en l’espèce, et a refusé notre demande de suspension partielle de l’accord cadre alors même que nous leur avons indiqué que le maintien des conditions d’approvisionnement à l’ARENH, dans les modalités prévues avant la survenance de l’événement, ne permettait pas l’exercice de l’activité d’Ekwateur dans des conditions économiques raisonnables.
Nous espérons que cet article a pu éclairer votre lanterne concernant ce dispositif complexe et que vous en savez désormais plus afin de vous faire votre propre idée sur le sujet et sur la situation. Prenez soin de vous ! 😊