En ce qui concerne le classement du nucléaire dans cette taxonomie, la Commission européenne parle de « compromis délicat », c’est pour cette raison qu’une décision n’a pas pu être prise au moment de la publication du texte de taxonomie verte en 2020 ni au moment du premier acte délégué adopté en juin 2021 et qu’il fait aujourd’hui l’objet d’un acte délégué complémentaire.
Une première décision défavorable au nucléaire
En mars 2020, le TEG a recommandé d’exclure le nucléaire de la taxonomie verte car « les faits concernant l’énergie nucléaire étaient complexes et plus difficiles à évaluer dans le cadre de la taxonomie », c’est-à-dire que le TEG a estimé qu’il était complexe d’affirmer que le nucléaire n’avait pas d’impact sur les autres objectifs environnementaux de la taxonomie. Rappelez-vous, pour être considérée comme durable, une activité doit, en plus de valider au moins l’un des six objectifs mentionnés plus haut, ne pas causer de préjudice important aux autres.
La Commission avait donc jugé que les conclusions du TEG ne permettaient pas de classer le nucléaire dans la catégorie do not significant harm. Dans un premier temps, le nucléaire était donc exclu de la taxonomie verte.
Retournement de situation : le nucléaire finalement inclus dans la taxonomie
La Commission européenne a ensuite demandé au CCR, le Centre Commun de Recherche (le service scientifique interne de la Commission) de réaliser un rapport sur le même sujet, publié en mars 2021. Point par point, le rapport de 387 pages examine chacun des six objectifs et détermine si le nucléaire y porte préjudice ou non.
Il précise que :
- « Les analyses n’ont révélé aucune preuve scientifique que l’énergie nucléaire est plus dommageable pour la santé humaine ou l’environnement que d’autres technologies de production d’électricité déjà incluses dans la taxonomie » ;
- Un cadre réglementaire adapté au niveau européen et national protège la population et l’environnement des effets non radiologiques ;
- La survenue et les conséquences d’un accident nucléaire peuvent être évitées ou atténuées grâce aux techniques existantes ;
- L’impact du nucléaire sur les ressources en eau nécessite une prise en compte appropriée de conception des installations lors de la sélection du site.
Selon le CCR, le nucléaire participe à l’atténuation du changement climatique ne porte pas préjudice aux autres objectifs de la taxonomie, il remplit ainsi les critères pour être inclus dans la taxonomie verte.
Le rapport a ensuite été examinée par deux groupes d’experts indépendants :
- Le « Group of Experts on radiation protection and waste management » qui a exprimé un avis favorable ;
- La « Scientific Commitee on Health, Environnemental ans Emerging Risks » s’est quant à lui abstenu de commenter les parties du rapport concernant le traitement et le stockage des déchets radioactifs.
C’est ainsi que la Commission européenne est arrivée à la conclusion que le nucléaire contribuait à la transition vers une neutralité climatique et qu’il remplissait les exigences environnementales et de sécurité.
Le sujet du gaz naturel a également été abordé. Selon la Commission, il contribue à la transition du charbon vers les énergies renouvelables, il fait donc également partie du texte de taxonomie en tant qu’énergie de transition.
L’acte complémentaire impose également aux grandes entreprises de publier en toute transparence la proportion de leurs activités liées aux énergies gazières et nucléaires pour que les investisseurs puissent faire leurs choix en connaissance de cause.
Une limite de temps pour le nucléaire
Pour être considérées comme durables, le texte indique que les nouvelles centrales nucléaires devront avoir obtenu un permis de construire avant 2045. Pour les centrales déjà existantes dont la prolongation de durée de vie est envisagée, les travaux devront avoir été accordés avant 2040.
La Commission demande également des garanties quant au traitement des déchets nucléaires et du démantèlement des installations.
Un seuil d’émissions de CO2 à ne pas dépasser pour le gaz
Les nouvelles centrales à gaz ayant obtenu un permis délivré avant 2030 et qui remplaceront des infrastructures plus polluantes pourront émettre jusqu’à 270g de CO₂ par kWh. Elles devront fonctionner avec de l’hydrogène ou du gaz renouvelable à partir de 2035.
Pour les autres centrales à gaz, le plafond a été fixé à 100g d’émissions de CO₂ par kWh.
Le gaz a été qualifié d’énergie de transition.
Qu’en pensent les États membres ?
L’opinion des États membres est divisée sur le sujet, c’est le moins qu’on puisse dire. La nouvelle va dans le sens de la France qui souhaite renouveler son parc nucléaire. Même chose pour les pays de l’Europe de l’Est tels que la Pologne, la Hongrie et la République Tchèque qui comptent sur le gaz pour fermer leurs centrales à charbon, très polluantes.
L’Allemagne, le Luxembourg, l’Espagne, le Portugal et l’Autriche sont, au contraire, contre le texte. La ministre autrichienne de l’environnement Leonore Gewessler a qualifié le nucléaire d’énergie du passé. L’Allemagne ne se réjouit pas non plus de ce texte qui ne s’aligne pas à sa stratégie de sortie du nucléaire en 2023. Sa ministre de l’Environnement Steffi Lemke indique que l’inclusion du gaz et du nucléaire dans la taxonomie verte est une erreur.