C’est lors de ce 16 mars 2020 que l’annonce du confinement tombe. Chamboulant par la même occasion le délicat équilibre entre production et consommation d’énergie. Quelles sont les conséquences de cette crise sanitaire sans précédent sur la production d’énergie ? Va-t-on tout droit vers un black-out ? Chloé, responsable du Lab et Jean-Victor, responsable sourcing chez Ekwateur nous en disent un peu plus…
1 octobre 2020
Lecture 7 mn
Jean-Victor : Bonjour, pour commencer, la production doit être égale à la consommation. Cela ne veut pas dire qu’on ne peut pas stocker, car le stockage peut jouer un rôle de production ou de consommation selon les besoins. Cela signifie qu’à chaque instant, ce qui est injecté sur le réseau doit être consommé.
En France, celui qui est chargé de maintenir cet équilibre en temps réel c’est RTE, le gestionnaire du réseau électrique français. Néanmoins, cet équilibre doit s’opérer à l’échelle du réseau européen car il est interconnecté. RTE est donc en constante coordination avec ses voisins.
Cependant, pouvoir piloter en temps réel suppose que tous les acteurs de l’énergie concernés anticipent les besoins en amont. Les producteurs d’électricité doivent produire au bon moment et les fournisseurs doivent évaluer la consommation à laquelle ils vont devoir faire face et avoir l’énergie nécessaire pour répondre à celle-ci.
Pour produire à un instant T, il faut donc avoir décidé d’abord de construire les centrales (oui ça va jusque-là 😉), puis des périodes de maintenance, de la gestion de leurs stocks éventuels, du démarrage de ces centrales, etc…, et ce besoin d’équilibrage est d’autant plus important avec les énergies renouvelables dont la production n’est pas toujours commandable (même si elle est prévisible avec une certaine fiabilité). Aujourd’hui, Les leviers principaux pour assurer cet équilibrage sont donc : les centrales commandables, les stockages et les effacements de consommation.
Jean-Victor : L’équilibre entre injection sur le réseau et consommation est très fin, on ne peut que très peu en dévier. Il faut penser cet équilibre comme les deux plateaux d’une balance dont l’aiguille serait la fréquence du système électrique :
Or, les moyens de production aussi bien que les installations des consommateurs ne peuvent pas fonctionner à n’importe quelle fréquence. Ainsi, si on dévie de l’équilibre de manière non maîtrisée et sans pouvoir le rétablir, alors, les installations se déconnectent du réseau et c’est le black-out.
Comment l’éviter ?
Premièrement, RTE dispose en permanence de moyens d’ajustement spécifiques permettant de rétablir l’équilibre. Ces derniers offrent la possibilité de compenser à tout moment 2% de la consommation maximale observée. Ensuite, pour reconstituer ces réserves, RTE ou les acteurs concernés font appel à des moyens plus lents.
Si le déséquilibre excède durablement ces moyens, RTE peut avoir recours à des moyens exceptionnels comme baisser la tension du système, faire appel à des interruptions de grands consommateurs et, en dernier recours, couper des consommateurs de manière ciblée (« délester »).
Le but du gestionnaire de réseau est justement d’éviter le « black-out ». C’est pourquoi RTE veille constamment à ce que cela n’arrive pas. Un « black-out » total est donc extrêmement rare. Le dernier black-out de grande ampleur sur le système européen a eu lieu en 2006 et avait pour cause un problème d’acheminement et non d’équilibre entre offre et demande.
Enfin, sachez que tous les acteurs de l’énergie sont tenus de respecter cet équilibre et d’anticiper leurs besoins. S’ils ne le font pas, ils sont pénalisés financièrement.
Jean-Victor : la première conséquence de cette crise sanitaire réside dans une baisse importante de la demande surtout dans le tertiaire et l’industrie (au total la consommation d’électricité française a baissé de 17% et celle de gaz de 31%). Cela a donc entraîné une baisse des prix à court terme. Concrètement, dans les quelques jours qui ont suivi l’annonce du confinement, les prix se sont effondrés. La baisse des prix fragilise tous les maillons de la chaîne : producteurs dont les centrales sont moins utilisées que prévu, gestionnaires de réseau dont les recettes baissent ainsi que les fournisseurs qui ont dû revendre à moindre coût de l’énergie achetée à l’avance.
Chloé : À court terme, on sent aussi que l’hiver va être compliqué en termes d’équilibre consommation / production. À cause de la crise sanitaire liée au Covid-19, les maintenances des centrales nucléaires n’ont pas pu être effectuées correctement dans les plannings impartis, et le réseau craint un hiver tendu sur le front de l’approvisionnement en électricité. C’est d’ailleurs dans ce cadre, que dès la fin du confinement en juin dernier, la Direction Générale Énergie et Climat (DGEC), a convoqué plusieurs acteurs du monde de l’énergie dont les fournisseurs pour chercher à dynamiser la filière de l’effacement. L’effacement étant un moyen de réduire les consommations, notamment lors des pics, c’est un levier à exploiter.
Jean-Victor : Il faut distinguer moyen terme et long terme. À moyen terme, la demande risque de rester telle quelle. RTE estime que la consommation d’électricité est 3-4% en-dessous de celle d’une année normale. De plus, les stockages de gaz européens sont pleins, ce qui amortira la reprise de la consommation.
À long terme, la remontée des prix est très incertaine et pourrait peser sur le modèle économique de nombreux acteurs. Par exemple, certains investissements pourraient très bien être amenées à disparaître. Ces dernières années, nous avons observé le développement du solaire et de l’éolien avec des coûts de soutien très faibles. Si le prix de l’énergie reste tel qu’il est aujourd’hui, ce mode économique ne va plus fonctionner. Il faudra donc trouver d’autres soutiens pour garantir la viabilité de ces beaux projets, ce qui n’est pas évident en période de crise...
En clair, le retour à la normale est incertain et cela fait peser un risque sur toute la filière de l’énergie.
Chloé : l’effacement, comme son nom l’indique, c’est une manière d’effacer de la consommation. Autrement dit, c’est ne pas consommer l’énergie que l’on avait prévu de consommer (on sait bien que l’énergie la plus propre c’est celle que l’on ne consomme pas 😉). L’effacement agit, de fait, directement sur l’équilibre entre la production d’énergie et la consommation puisque l’on joue sur la cette dernière pour la faire diminuer.
Le fonctionnement de l’effacement diffère en fonction de la cible (tertiaire ou particulier). Dans notre cas, on va surtout s’intéresser aux particuliers. Pour faire de l’effacement, il faut installer un petit boitier à côté de votre tableau électrique. Au sein de votre tableau, une dérivation sur les voies de chauffage et ballon d’eau chaude (seuls appareils concernés par l’effacement) sera mise en place vers le boitier. Toute cette installation est réalisée par un acteur de l’effacement habilité et qui fera tous les tests nécessaires chez vous avant de partir pour vérifier que tout est bien opérationnel. Ensuite, ces mêmes acteurs (disposant d’une licence les autorisant à exercer) vont travailler de concert avec RTE afin de voir en temps quasi-réel ce dont a besoin le réseau électrique et en fonction de l’offre et de la demande à un instant T. Et lorsque c’est nécessaire, ils envoient un signal au boitier pour lui demander de couper le chauffage pendant 8 à 12 minutes maximum. Idem pour le ballon d’eau chaude. Et dans la mesure où celui-ci « endort » le chauffage.
Il faut savoir également que le boitier ainsi que l’installation sont gratuits si le consommateur accepte l’effacement. Sinon, ce boitier peut également servir à mieux maitriser sa consommation via l’application reliée à celui-ci qui donne le détail de la consommation ainsi que le contrôle pièce par pièce des différents radiateurs électriques. Sans l’effacement, qui finance le boîtier, il faut compter 9,99€ par mois.
Chloé : selon Voltalis, notre partenaire agréé pour l’effacement, il faut compter au minimum 30 minutes pour perdre un demi-degré. Donc concrètement, les 8 à 12 minutes d’arrêt opéré par Voltalis n’auront pas d’incidence sur votre confort et ces précieuses minutes permettront au réseau de « souffler » un peu. Par ailleurs, ce boitier est déjà installé chez plus de 100 000 client.e.s. Ils/elles sont satisfait.e.s et ne ressentent aucune perte de chaleur dans leurs maisons.
Jean-Victor : L’effacement ne représente pas beaucoup de consommation évitée (en MWh d’énergie effacés sur l’année) mais un réel levier pour équilibrer l’offre et la demande instantanée (en MW de puissance évitée). En effet il représente à peu près 3% de la consommation de pointe en puissance. Ce n’est pas rien puisque c’est dans l’ordre de grandeur des besoins de réserves d’équilibrage de RTE, auquel il contribue d’ailleurs.
Chloé : À cela, j’ajouterais que, pour 100 000 client.e.s « effacé.e.s » cela permet d’éviter de rallumer une centrale thermique (charbon, gaz…) alimentée par de l’énergie fossile et souvent très polluante. C’est donc effectivement un levier non négligeable. De plus, cela permet aussi aux consommateurs d’être acteurs de la transition énergétique (le boitier offre également la possibilité de piloter ses différentes installations de chauffage de façon précise).
Chloé : Grâce au boitier, nous avons accès au détail de notre consommation à 10 minutes près en temps réel (contrairement à Linky qui lui fonctionne à la demi-heure et met à disposition le détail de la consommation uniquement le lendemain). De plus, le fait de voir le détail pièce par pièce de notre consommation permet, par exemple, d’éviter de laisser allumer le chauffage de la cuisine en plein mois d’août 😉.
Les radiateurs sont également pilotables à distance via l’application. Si, par exemple, vous vous rendez-compte en arrivant au travail que vous avez oublié d’éteindre le chauffage dans la chambre, il suffit juste de cliquer sur le bouton off de l’application pour couper votre radiateur.
Enfin, il existe aussi une autre option (vendue à 3,50€/mois) : le programmateur. Comme son nom l’indique, cela permet de créer des programmes qui allumeront et éteindront vos chauffages pour vous en fonction de vos préférences. Par exemple, vous êtes absent.e de 9h à 18h du lundi au vendredi. Il vous suffit donc de programmer l’arrêt du chauffage sur cette plage horaire. Le boitier se chargera du reste pour vous ! Vous pouvez aussi faire des programmes pièce par pièce en fonction de vos préférences. Un peu comme un thermostat connecté qui serait basé sur les habitudes au lieu de la température. Cela peut facilement permettre 10% à 30% d’économie sur votre facture.
Merci beaucoup Jean-Victor et Chloé pour cette interview. Si vous voulez faire des économies dès maintenant, vous savez ce qu’il vous reste à faire ! Et chez Ekwateur, on est là pour vous aider et vous accompagner 😊.