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Énergies renouvelables : halte aux idées reçues et aux clichés !

Lorsqu’il s’agit d’énergies renouvelables, on entend tout et son contraire, et ce, depuis un certain nombre d’années. Alors, on s’est dit qu’on allait vous aider à y voir plus clair en interviewant Philippe Blanc, directeur de recherche dans le domaine de l’énergie solaire à l’école de Mines. Et il est très heureux de pouvoir partager son savoir sur la question avec vous et nous. 😉


Bonjour Philippe et merci d’avoir accepté de répondre à nos questions. Pouvez-vous commencer par nous raconter votre parcours ?

Bonjour, je m’appelle Philippe Blanc, je suis directeur de recherche à Mines Paris Tech. Je travaille actuellement dans un laboratoire qui se trouve à Sophia Antipolis qui s’appelle le Centre Observation Impact Énergie. Nous sommes une quinzaine de collègues à travailler sur l’utilisation des moyens de mesures pour quantifier les ressources énergétiques renouvelables et plus particulièrement l’énergie solaire (qui est mon domaine de compétence). Nous travaillons également sur les impacts environnementaux de l’extraction, du transport et de l’usage de l’énergie.

J’ai un diplôme d’ingénieur en traitement de l’image et traitement du signal. J’ai fait ma thèse à l’école des Mines avant de partir un temps chez Thalès pour me faire de l’expérience dans les systèmes d’observation optique. Je suis ensuite retourné travailler à l’école des Mines. Actuellement j’œuvre dans le domaine de l’énergie solaire et suis chargé d’évaluer la quantité d’énergie solaire qui arrive au sol, avec quelle variabilité et comment pouvons-nous le prévoir.

La première affirmation qui revient régulièrement c’est que les énergies renouvelables sont intermittentes. Êtes-vous d’accord avec cela ?

Bien souvent, lorsque l’on parle d’énergie renouvelable, les gens pensent immédiatement à l’éolien ou au solaire qui sont des énergies renouvelables effectivement intermittentes. Néanmoins, ces sources d’énergie ne sont pas les seules sources renouvelables existantes actuellement. La biomasse par exemple, est une énergie renouvelable qui n’est pas intermittente pourvu que l’on veille à un renouvellement de la quantité de biomasse et que son exploitation soit effectivement renouvelable. L’hydraulique est également une ressource nettement moins intermittente via l’hydrométéorologie.

De plus, l’intermittence peut se régler en profitant de l’interconnexion de réseau (à échelle européenne par exemple) car les sources intermittentes peuvent tout à fait se compenser si l’on élargit l’assiette et si l’on profite des creux et des bosses des productions renouvelables des différents pays connectés. Du côté des producteurs d’énergie renouvelable qui vendent leur énergie peu importe le moment et le besoin, certains ajustements seront à faire afin que tout le monde prenne part à la pérennisation du réseau. Pour en avoir discuté avec certains producteurs, je peux vous dire qu’ils sont prêts à s’investir plus dans le bon fonctionnement du réseau électrique français.

Enfin, il y a un mix énergétique à entrevoir au sein duquel la biomasse est une énergie à considérer au même titre que le nucléaire (on ne peut pas passer de 75% de nucléaire à 0% d’un seul coup). Il est certes indispensable de décroitre le nucléaire au sein du mix énergétique, néanmoins, l’arrêter instantanément serait, à mon sens, une erreur. Nous avons besoin d’une transition douce pour toute la filière.

Beaucoup disent également que les énergies renouvelables c’est du greenwashing et de la « propagande écolo », qu’en pensez-vous ?

Il est certain que des entreprises ou des institutions ont tendance à faire du greenwashing et à le revendiquer sans vraiment agir. Néanmoins, c’est une attitude humaine.

Par ailleurs, il faut également savoir qu’il n’y a pas de superposition entre faire des énergies renouvelables et être « écolo ». On peut faire un certain nombre de choses de travers sous couvert des énergies renouvelables et faire des « bêtises environnementales ». Le greenwashing ce serait de dire : « on fait des énergies renouvelables donc on est écolo ».

Il faut vraiment analyser tous les aspects des décisions que l’on prend au niveau des énergies renouvelables si l’on ne veut pas faire du greenwashing. L’énergie a un impact colossal sur l’environnement donc si l’on ne veut pas faire de bêtises, il faut tout analyser. C’est pourquoi la question énergétique doit aussi être vue au regard des spécialistes du climat, de la biodiversité, des philosophes, etc…, car un énergéticien seul ne peut pas avoir toutes les réponses.

L’avantage du photovoltaïque c’est qu’il permet de faire machine arrière très facilement si l’on se rend compte a posteriori que l’on s’est trompé (il est possible de faire du photovoltaïque sans détériorer les paysages).

Les éoliennes et barrages hydrauliques ont-ils un impact négatif conséquent sur la faune (poissons, chauves-souris, oiseaux, etc) ?

Tout système énergétique a un impact sur l’environnement. L’activité humaine a un impact sur l’environnement. La véritable question est : est-ce qu’on est conscient des impacts ? Est-ce qu’on a mis en balance les impacts et le gain ? Si, par exemple, vous construisez des éoliennes, que ça a un impact sur l’environnement mais qu’elles produisent de l’énergie peu chère et faiblement carbonée, à ce moment-là, on peut faire le bilan et décider si on met en place le projet ou non. Il n’y a pas de solution sans contrepartie et toutes les infrastructures ont un impact sur l’environnement.

En fonction des systèmes énergétiques les impacts sont très différents. Les éoliennes ont vraisemblablement un impact sur les oiseaux. Il y a d'ailleurs des recherches effectuées à ce sujet afin de le minimiser.

Il est compliqué néanmoins de mesurer l’impact visuel de ces projets. L’objectif c’est de créer un dialogue territorial pour que l’éolien et le solaire se développent en concertation. Comment faire en sorte d’avoir un projet qui n’ait pas un impact sur l’environnement inacceptable ? Le dialogue territorial est très important pour faire la balance entre l’impact et le gain. Le côté réversible est aussi à prendre en compte comme nous l’avons dit tout à l’heure afin de pouvoir revenir à l’état d’origine. Nous pouvons également utiliser des surfaces déjà urbanisées et peu exploitées pour y implanter du photovoltaïque ou de l’éolien par exemple au lieu de modifier un paysage intact.

Que pensez-vous de l’affirmation comme quoi l’énergie nucléaire est décarbonée et donc moins polluante ?

Avoir l’œil rivé sur le changement climatique sans regarder les autres aspects peut conduire effectivement à ce genre de raisonnement. Si l’on regarde l’équivalence CO₂ du nucléaire, en effet, celui-ci produit une masse considérable d’énergie en ne rejetant que très peu de CO₂. Or, il ne faut pas s’arrêter juste à cela car, quid finalement du recyclage des déchets ultimes ? Quid du risque nucléaire ? Quid de l’extraction et du stockage de l’uranium ? Quid de la biodiversité ? Le nucléaire n’a jamais été un ami de celle-ci.

Aux dires de spécialistes, y compris au sein d’EDF, il n’est pas possible de démanteler totalement une centrale nucléaire pour des questions de couts et de faisabilité technique : le retour à l’herbe d’une centrale n’est pas envisageable, à date. il n’est pas possible de démanteler une centrale nucléaire. Il est très important de prendre en compte tous ces aspects-là et de faire la balance entre l’impact et le gain une fois encore avant d’avancer ce type d’affirmation.

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Avons-nous encore le temps de faire cette transition énergétique face à l’urgence climatique ?

Si on ne prend pas le temps, on ne va pas y arriver. Il ne faut pas travailler que sur les moyens de production, et l’énergie renouvelable n’est qu’une partie de la solution. Il y a une transformation de société à faire. Il faut malgré tout prendre le temps. Donc oui, il y a urgence, cependant il faut rester calme et réfléchi. Tout comme face à un accident, on a tendance à paniquer alors qu’il est primordial de garder la tête froide. Sinon on en vient à faire des erreurs. Nous pousser à nous dire qu’on n’a pas le temps, ça nous pousse vers de mauvaises solutions ou des catastrophes sociétales.

L’urgence n’est pas une bonne conseillère. L’urgence c’est que les gens se réveillent, néanmoins, il n’y a pas d’urgence dans les solutions à mettre en place : un système énergétique national ou plus large ne se change pas, il se transforme avec l’inertie liée à sa taille, ses investissements, sa complexité. On ne peut pas renouveler un système énergétique à l’échelle même d’un pays en quelques années. Il faut compter au minimum une cinquantaine d’années pour arriver à construire un nouveau système qui tient la route.

 

Merci beaucoup Philippe, d’avoir pris le temps de répondre à nos questions ! Chez Ekwateur, on espère que, grâce à cet échange, vous arriverez plus facilement à démêler le vrai du faux en ce qui concerne les énergies renouvelables et à vous faire votre avis sur la question. Dans notre cas, on est convaincus que celles-ci ont un rôle important à jouer dans la société de demain. Si vous aussi vous l’êtes, vous pouvez toujours nous rejoindre en cliquant ici 😉. Nous en serions ravis !

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