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Les méga-bassines : c'est quoi ?

On vous arrête tout de suite, aujourd’hui, il n’est pas question de baignade (malgré les températures estivales calientes 🌡️). Nous allons effectivement parler de méga-bassines, cependant, ce n’est pas ce que vous croyez. Si ces réservoirs artificiels d’eau font polémique depuis quelques semaines, ce n’est pas par hasard. Alors, qu’est-ce qu’une méga-bassine, à quoi ça sert et surtout, quels problèmes est-ce que ça pose ? On vous dit tout juste ici ⬇️


C’est quoi une Méga bassine ?

Une « méga bassine », c’est tout simplement une infrastructure de stockage d'eau. Il faut dire qu’avec une telle appellation, on s’en doutait un peu. Toutefois, ce type de dispositif n’est pas conçu pour faire trempette, mais plutôt pour assurer l'irrigation agricole. Il s'agit d'un bassin de grande capacité, qui peut contenir plusieurs centaines de milliers de mètres cubes d'eau. Ce type d’installation est généralement creusé directement dans le sol et recouvert d'une bâche imperméable, pour éviter les fuites (c’est vite arrivé). Grosso modo, les méga bassines - également baptisées « réserves de substitution » - répondent à un besoin croissant de gestion des ressources en eau, particulièrement dans les régions agricoles où les sécheresses deviennent de plus en plus fréquentes (merci le réchauffement climatique). Elles permettent aux agriculteur-ice-s de stocker l'eau en période de surplus, le plus souvent durant l'hiver, pour l'utiliser en période de sécheresse estivale. Cette technique vise à sécuriser les rendements agricoles et à stabiliser la production face aux aléas climatiques.

Vous imaginez bien qu’avec de telles constructions, on est bien loin de la petite retenue d’eau qui invite à pique-niquer, tremper les pieds et faire bronzette. Non, une mégabassine s’étend en moyenne sur une superficie de huit hectares. Soit l’équivalent d’une dizaine de terrains de football¹ ⚽ ! Kylian Mbappé n’a qu’à bien se tenir. 


Seulement voilà, depuis quelque temps, ces fameuses réserves de substitution suscitent bien des émois, essentiellement entre les agriculteur-ice-s et les écologistes. Si l’agro-industrie et les pouvoirs publics qui les subventionnent les présentent comme une solution idéale, pour s’adapter au changement climatique, ce n’est pas l’avis de nombreux-ses militant-e-s. En témoignent les affrontements qui ont eu lieu dès l’été 2023 à Sainte-Soline, dans les Deux-Sèvres. Si vous n’avez pas suivi, on fait un topo juste après, pas d’inquiétude 😉. Pour résumer, les méga-bassines sont à l’origine d’un… méga-débat.

Pourquoi des manifestations contre les mégabassines ?

En juillet 2023, une protestation musclée à Sainte-Soline, dans les Deux-Sèvres, avait déjà fait couler beaucoup d’encre (et d’eau). La manifestation avait rassemblé de 6 000 à 8 000 personnes selon les autorités – 30 000, d'après les organisateur-ice-s. Ces dernier-re-s ont fait état de 200 blessés, dont 40 graves, côté manifestant-e-s. L’affaire ne s’arrête pas là, et à l’été 2024, la vindicte est toujours à son paroxysme. Cette fois-ci, c’est à la Rochelle que la révolte « anti-bassines » a dégénéré ce samedi 20 juillet. Près de 5 000 personnes ont manifesté dans les rues de la Rochelle, dont certain-e-s venus d'Allemagne, d'Italie, d'Espagne ou de Belgique. Alors, que reproche-t-on véritablement à ces méga-bassines, qui font l’objet de toutes les crispations ?

L’impact environnemental des méga-bassines

Parmi les griefs adressés à ces retenues d’eau, les opposant-e-s soulignent les conséquences écologiques négatives de ces structures, à commencer par l’assèchement des nappes phréatiques et des cours d'eau. Pour remplir les mégabassines, de grandes quantités d'eau sont prélevées des nappes phréatiques et des rivières, entraînant de facto un assèchement des sources naturelles d'eau. Les écosystèmes aquatiques sont affectés, ce qui réduit la biodiversité et perturbe les habitats de nombreuses espèces.

Par ailleurs, les méga-bassines « transforment également une ressource courante et vivante en eau stagnante, qui s’évapore et se dégrade ». Les pertes liées à l’évaporation dans ce type d’ouvrages se situeraient entre 20 % et 60 %, selon Christian Amblard, directeur de recherche honoraire au CNRS et spécialiste de l’eau et des systèmes hydrobiologiques¹.

En stockant l'eau pendant les périodes de surplus et en la libérant en période de sécheresse, les réserves de substitution perturbent les cycles naturels de l'eau, ce qui peut avoir des répercussions imprévues sur l'environnement local.

Réserves de substitution et injustice sociale et agricole

Les critiques des méga-bassines soulignent de plus des problèmes de justice sociale. Ces dispositifs bénéficient essentiellement aux grandes exploitations agricoles qui pratiquent une agriculture intensive, au détriment des petits agriculteurs. Cette concentration de ressources peut aggraver les inégalités au sein du secteur agricole. Pour le coup, c’est toute l'agriculture intensive, souvent associée aux mégabassines, qui est critiquée pour son utilisation non durable des ressources naturelles, y compris l'eau. Comme le précise Greenpeace, « les mégabassines servent essentiellement à alimenter des productions très gourmandes en eau, comme le maïs, majoritairement destiné à l’élevage industriel¹ ». 

Les opposant-e-s prônent ainsi des pratiques agricoles plus respectueuses de l'environnement et moins dépendantes de l'irrigation massive.

Pour info, en 2020, 11 % de l’eau prélevée en France a servi aux usages agricoles (3,4 milliards de m3 d’eau). Presque la totalité de cette eau (92 %) était dédiée à l’irrigation².

Enfin, le prélèvement massif d'eau pour remplir les mégabassines peut également poser des risques pour l'approvisionnement en eau potable des communautés locales. En période de sécheresse, la priorité donnée à l'irrigation agricole peut conduire à des pénuries d'eau pour les usages domestiques.

Haro sur le changement climatique

Les manifestations contre les mégabassines s'inscrivent dans un contexte plus large de préoccupations liées au changement climatique. En effet, le changement climatique exacerbe les sécheresses et les pénuries d'eau, ce qui rend encore plus urgent le besoin de solutions durables et équitables pour la gestion de l'eau.

Voilà qui explique ces nombreuses mobilisations contre l’accaparement de l’eau ! Encore une question ? Non ? Alors, passons à la suite.

Combien de méga bassines en France ?

Si les chiffres officiels sont bien difficiles à dénicher, le moins que l’on puisse dire, c’est que sur l’Hexagone, ces bassins ne manquent pas. Selon Christian Amblard, il faudrait en compter entre 1 000 et 2 000 méga-bassines en projet ou déjà construites. Les soulèvements de la Terre quant à eux en dénombrent près de 230 sur leur carte interactive, dont 55 existantes (7 sont illégales) et 15 qui ont été « désarmées» (sabotées par des opposant-e-s)³. Cependant, aucun recensement officiel ne donne le nombre exact de mégabassines en projet en France. Malgré l’opacité autour de la construction de ces ouvrages agricoles contestés, les associations d’opposants-e- sur un chiffre d’environ 300 projets. Ça en fait des litres d’eau 💦. Surtout quand on a en tête quelques-uns des chiffres qui concernent ces structures : 

  • 16 réservoirs d’eau géants représentent en moyenne 1 573 piscines olympiques, soit 5,9 millions de mètres cubes d’eau.
  • La part d’eau perdue par évaporation dans ces réserves serait de 3 à 4 %.
  • La construction de 16 retenues d’eau représente 70 millions d’euros.

Quelles alternatives écologiques aux méga-bassines ?

On les critique, on les critique, cependant, vous nous direz peut-être « et alors, vous proposez quoi d’autre ? ». Eh bien justement, la bonne nouvelle, c’est que face aux controverses autour des méga-bassines, plusieurs alternatives écologiques émergent pour une gestion plus durable de l'eau en agriculture, à commencer par une amélioration des pratiques agricoles.

  • Les rotations de cultures : il s’agit d’alterner les types de cultures, afin d’améliorer la santé des sols et leur capacité à retenir l'eau.
  • Les couverts végétaux : dans ce cas, le principe est d’utiliser des plantes de couverture pour protéger le sol, réduire l'érosion et améliorer l'infiltration de l'eau.

D’autre part, l’agriculture biologique tire son épingle du jeu avec : 

  • Une réduction des intrants chimiques : en limitant l'usage des pesticides et des engrais chimiques, on préserve ainsi la qualité des sols et des eaux souterraines.
  • Les techniques de compostage : elles servent à améliorer la structure et la fertilité des sols, et à augmenter leur capacité de rétention d'eau !

Il est également possible de se tourner vers des techniques d’irrigation alternatives, en commençant par exemple par fournir de l'eau directement aux racines des plantes, pour réduire les pertes par évaporation et percolation. En bref, la réduction des besoins en eau et la disparition des méga-bassines doivent être le fruit d’une multitude de solutions et d’un changement profond du modèle agricole et de l’aménagement du territoire.

Sources

¹https://www.greenpeace.fr/mega-bassines-pourquoi-opposer

²https://www.notre-environnement.gouv.fr/actualites/breves/article/irrigation-quels-sont-les-besoins-en-eau-de-notre-agriculture

³https://vert.eco/articles/que-sont-les-mega-bassines-et-quen-dit-la-science-dix-questions-pour-tout-comprendre

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