Le 23 février 2021, le ministère de la Transition Ecologique et le secrétaire d’Etat au numérique ont présenté des mesures issues de leur feuille de route « numérique et environnement ». Elles répondent à deux objectifs : réduire l’empreinte environnementale du numérique et mobiliser le digital en tant que levier de la croissance écologique.
Chez Ekwateur, nous encourageons toujours les actions en faveur de la protection de l’environnement. Faites le point avec nous ! 😊
3 mars 2021
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Les inquiétudes vis-à-vis de l’accroissement de la pollution numérique font partie des réflexions présentées dans la Convention Citoyenne pour le Climat. La feuille de route « numérique et environnement » vise à y répondre. En 2025, le numérique passera à un peu moins de 6% de l’empreinte environnementale de l’homme*. Alors qu’il suffit de mesurer les émissions de gaz à effet de serre pour attester la pollution des transports, de l’industrie et des bâtiments, la pollution numérique est nettement moins palpable. Pourtant, le secteur du numérique représente au moins 2 % des émissions de gaz à effet de serre et de la consommation d'eau en France selon des études du Sénat et du cabinet de conseil GreenIT. Quels sont les facteurs de cette pollution ?
L’empreinte environnementale du numérique, c’est-à-dire la pression que ce secteur exerce sur la nature, est en premier lieu liée à la fabrication des outils digitaux. La production d’équipements représente 75% de l’empreinte environnementale du numérique. L’extraction des matières premières nécessaires à la construction de ces objets et leur transformation en composants électroniques sont responsables de cette proportion. La consommation électrique des équipements vient juste après.
Le gouvernement français part du constat d’une insuffisance des méthodes d’évaluation de l’impact du digital sur l’environnement. Pour quantifier ces effets, il souhaite mettre en place un « baromètre environnemental des acteurs du numérique » en dotant l’ARCEP (Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse) d’un pouvoir de collecte des données des opérateurs de télécom, des data centers, des fournisseurs de service et des éditeurs de logiciels. Cela permettrait de suivre les émissions carbones, la consommation d’eau et de matériaux de ces infrastructures digitales.
Pour compléter le baromètre, l’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie) et l’ARCEP ont été missionnées pour réaliser une étude prospective (2030-2050) afin d’évaluer les effets futurs du numérique sur l’environnement.
La mise en œuvre de la 5G favorisera le déploiement massif des objets connectés. Anticipant sur la pollution que cet accroissement représente, le gouvernement a lancé une deuxième étude pour mesurer l’empreinte environnementale du numérique, cette fois dédiée aux impacts du développement des objets connectés.
Le premier volet de la feuille de route, « connaître pour agir », est suivi par des mesures visant à rendre le secteur du numérique plus sobre. Premièrement, le gouvernement annonce la constitution de bases de données permettant d'éclairer les acteurs du secteur sur les bonnes pratiques à adopter pour réduire l’empreinte environnementale du numérique. Ensuite, le gouvernement s’attaque aux data centers et aux smartphones. Enfin, le troisième volet des mesures gouvernementales dévoilées le 23 février est le soutien aux greentechs, leviers de la croissance écologique.
Qu’est-ce qu’un data center ? C’est un entrepôt de serveurs dans lesquels sont stockés l’ensemble des données mises en ligne sur internet.
Des fournisseurs de cloud, tels qu’OVHcloud ou Google par exemple, ont signé un pacte visant à réduire l’impact environnemental des data centers au niveau européen, le « Pacte de Neutralité Climatique des Data Centers » du 21 janvier 2021, qui fixe un objectif de neutralité carbone à horizon 2030. A son tour, la France s’équipe d’objectifs concrets.
Le 23 février 2021, le gouvernement lance le projet d’un décret fixant la réduction de l’empreinte carbone des data centers à 40% d’ici 2030. Cette loi viendrait s’ajouter aux objectifs du Pacte de Neutralité Climatique des Data Centers :
En guise d’incitatif, le gouvernement souhaite réduire la taxe applicable à l’électricité consommée par un data center à condition que son propriétaire suive ces objectifs de maîtrise d’empreinte environnementale, d’efficacité énergétique et de récupération de chaleur.
Des grands acteurs des data centers œuvrent déjà à la réduction de l’empreinte carbone de leurs infrastructures. Par exemple, le projet Natick de Microsoft vise à expérimenter des data centers sous-marins. Ils sont alimentés par des énergies marines et refroidis par l’eau de mer. En effet, de l’électricité peut être produite grâce aux courants, aux marées ou encore via la gazéification de la biomasse marine (les algues, par exemple). L’énergie marine a en plus un très faible impact environnemental.
Si les data centers sous-marins sont des solutions de réduction de l’empreinte carbone, leur utilisation est-elle pour autant rentable ? Eh oui, Le projet Natick de Microsoft est un succès ! Grâce à la continuité des milieux marins, il est possible de ne construire qu’un seul modèle, ce qui facilite l’installation. Par exemple, les variations de salinité d’un océan à un autre sont faibles : s’ils le voulaient, des poissons vagabonds pourraient faire le tour du monde. 90% du volume des océans a une salinité comprise entre 34 et 35 degrés. De surcroît, les data centers classiques sont situés dans des entrepôts isolés. Sous la mer, des data centers plus petits ont plus de chances d’être proches des utilisateurs côtiers.
Le succès du projet Natick ouvre la voie à la multiplication de data centers alimentés aux énergies renouvelables et indépendants de l’utilisation d’eau potable. Le bilan du projet de Microsoft n’inclut pas la considération de l’impact sur des écosystèmes marins. En revanche, des tests ont été réalisés plus tôt lors d’un essai en conditions réelles. Des capteurs acoustiques ont montré que la pollution sonore du data center n’empêchait pas les espèces animales de vivre alentour. Tandis que la chaleur dégagée par le data center reste minime. Pour autant, le bilan d’impact sur l’écosystème marin de data centers plus grands ne sera peut-être pas aussi positif. A surveiller de près.
Les data centers sont globalement de bons élèves. Alors que la quantité de calculs dans les data centers a plus que quintuplé entre 2010 et 2018, leur consommation énergétique a seulement augmenté de 6% grâce à une amélioration de l’efficacité énergétique des composants. La construction et l’utilisation des objets connectés tels que les consoles, les ordinateurs et les smartphones dépassent le coût écologique des data centers. Ce qui nous amène aux mesures de contrôle de la pollution des smartphones.
Avez-vous remarqué que plus le temps passe, plus l’écran de votre téléphone portable est large ? Nous avons un bien meilleur confort d’utilisation qu’avant, en revanche, notre smartphone est plus énergivore et donc, a une empreinte environnementale plus importante…
L’empreinte environnementale des smartphones est due par ordre décroissant à :
La feuille de route fixe un objectif de développement d’une filière française du réemploi et du reconditionnement, afin de limiter l’extraction de matières premières. Un décret relatif à la définition de "produit reconditionné" entrera en vigueur au 1er avril 2021. Pour déployer cette filière, le gouvernement lance une enquête sur le fonctionnement du marché de l’après-vente des objets connectés pour identifier les frais au développement de la réparation et du reconditionnement : prix des pièces détachées, conditions d’accès des réparateurs…
En sus, pour éclairer les décisions d’achat des consommateurs, le gouvernement a évoqué le souhait de créer un label « produit reconditionné ». Enfin, les opérateurs télécoms sont encouragés à inciter les usagers de téléphones portables à rendre leurs smartphones usagés.
En plus des mesures prises par le gouvernement en ce début d’année 2021, il existe d’autres leviers pour réduire la pollution digitale des smartphones.
Combattre l’obsolescence programmée en est un. La solution serait l’allongement de la durée de garantie légale de conformité des objets connectés. Si elle était plus longue, les équipements seraient remplacés moins souvent. En ce moment, elle est de deux ans en France. Ce qui est complètement déconnecté de la réalité ! En moyenne, un ordinateur portable dure 5 à 7 ans. Pour une répartition équitable du coût de l’allongement de la durée de garantie, il faut que la garantie concerne le vendeur et le fabricant.
Avoir des réglementations plus strictes sur le taux de collecte des déchets d’équipements électriques et électroniques est un autre levier de la réduction de la pollution numérique liée aux objets connectés. Pour plus d’informations à ce sujet, n’hésitez pas à consulter notre article sur le recyclage des appareils numériques. 😉
C’en est fini des mesures visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique. Le troisième volet de la feuille de route « numérique et environnement », la mobilisation du digital en tant que levier de la croissance écologique, implique les greentechs.
Avez-vous tiqué sur ce terme de croissance écologique ? Il est tout récent ! La « croissance écologique » est le nom donné début 2021 à la politique environnementale française, signifiant que toute décision politique et économique est prise en tenant compte de ses effets sur l’environnement.
Le 23 février 2021, le gouvernement a annoncé la création d’un fonds de 300 millions d'euros destiné aux projets des greentechs, les start-ups impliquées dans la protection de l’environnement, et un accompagnement renforcé pour une vingtaine de jeunes pousses "à fort potentiel". Un exemple de greentech ? Ekwateur, bien sûr !
L’importance des efforts du gouvernement français vis-à-vis de la lutte contre la pollution numérique est à nuancer. Effectivement, à l’échelle mondiale, le numérique est loin d’être aussi énergivore que les transports ou l’industrie (dont la construction).
Cela dit, il est très rassurant de voir le gouvernement anticiper l’augmentation de la pollution numérique. En 2025, la taille de l’univers numérique en nombre d’équipements aura quintuplé par rapport à 2010. L’Europe et la France auront donc une longueur d’avance en matière de maîtrise de la consommation énergétique qui y est associée. Pourquoi ne prendriez-vous pas à votre tour des résolutions ? Nous vous invitons à identifier comment, à votre échelle, vous pouvez lutter contre la pollution digitale. 😉