Ce mouvement stratosphérique n’est en effet pas sans conséquence puisque des températures descendant jusqu’à -11 dans un État où l’on est plutôt habitué à des températures douces entrainent indéniablement une augmentation de la demande de chauffage (donc de l’énergie). Demande que le système énergétique n’a pas été capable de satisfaire. ERCOT, société responsable du transport de l’énergie au Texas (l’équivalent de notre RTE national) a jugé préférable de déclarer l’état d’urgence et de couper plusieurs sources d’alimentation par mesure de sécurité pour éviter une totale saturation du réseau (pouvant mener à un blackout sur tout le Texas). De nombreux foyers se sont donc retrouvés sans électricité pendant plus de 48h alors que le chauffage pour les habitants était devenu question de vie ou de mort.
Les énergies renouvelables prises pour cibles
Le Texas représente le poumon énergétique des États-Unis. En effet, selon une étude récente de la US Energy Information Administration, l’État du Texas aurait produit à lui seul 41 % des parts nationales en pétrole brut et 25 % du gaz naturel commercialisé en 2019. Le Texas a également produit près de 28 % de toute l’électricité éolienne américaine en 2019. Premier exploitant de pétrole et de gaz, il est d’autant plus surprenant que les événements météorologiques aient eu un tel impact sur son système énergétique.
De plus, outre le pétrole et le gaz, l’État possède également de nombreuses centrales éoliennes, solaires et centrales nucléaires.
Celui-ci dispose par ailleurs d’un réseau fonctionnant en vase clos, le rendant totalement autonome tout en l’empêchant d’importer de l’énergie en cas de problème. Une vague de froid d’une telle envergure démontre aussi les limites de ce système, raison pour laquelle ERCOT s’est retrouvé contraint de couper le courant à certains foyers.
Les premières réactions ont été de se jeter sur les énergies renouvelables en blâmant leur intermittence allant même jusqu’à affirmer que l’éolien était trop peu fiable et trop subventionné. Développé massivement depuis plusieurs années, le Texas peut aujourd’hui alimenter l’équivalent de 3 millions de foyers en période de forte demande juste avec l’énergie éolienne.* Ces propos ont été rapidement démentis par la suite, car, bien que le facteur de capacité moyen de production soit descendu de 19% à 14%*, c’est toutes les infrastructures du Texas qui ont été touchées par cette vague de froid.
Les centrales thermiques et nucléaires encore plus impactées par cette vague de froid
En effet, les énergies renouvelables ne sont pas les seules à être impactées par cette vague. Les centrales thermiques ainsi que nucléaires ont été logées à la même enseigne. Pour preuve, selon Wood Mackenzie, le facteur de capacité moyen de la production nucléaire est passé de 94% à 75% de la production maximale durant cette période et de 73% à 60% en ce qui concerne le charbon. Le facteur du gaz, lui, est descendu de 52% à 43%. Proportionnellement donc, les centrales thermiques et nucléaires ont été plus impactées par les évènements que les énergies renouvelables.
De plus, l’équipement utilisé pour les centrales électriques du Texas n’était pas suffisamment préparé à de telles températures entrainant donc des défaillances.
Enfin, il ne faut pas oublier que c’est la production d’énergie en général qui a été impactée et pas seulement la production d’électricité. Les centrales à gaz semblent avoir été les plus touchées par cette situation et semblent également être la principale origine de la paralysie énergétique du Texas.
Quelles conséquences sur la production et l’acheminement de l’énergie ?
Les centrales à gaz sont celles qui essuient le plus les conséquences de cette vague de froid. L’eau ainsi que les autres liquides permettant la production et l’acheminement du gaz ont tout simplement gelé à cause des températures trop basses bloquant ainsi le flux de gaz. Plus les températures baissaient et plus ces incidents se répandaient sur le réseau. Les approvisionnements sont donc devenus plus rares entrainant une hausse en flèche des prix. Certains acheteurs ont payé jusqu’à plus de 600 dollars par million d’unités. Ces unités étaient alors inférieures à 3 dollars au début du mois de février.
L’équipe gazière de Wood Mackenzie’s Americas a par la suite confirmé que les têtes de puits (qui mesure le débit et évaluent la productivité du gisement) au Texas n’étaient pas bien préparées aux conditions de gel avant d’ajouter « des pannes peuvent survenir et des problèmes logistiques tels que les routes verglacées peuvent entraver les opérations normales sur le terrain ». Les équipes de réparation se sont ainsi retrouvées bloquées par la neige et le verglas, rendant impossible toute intervention immédiate.
À la suite de ces premières perturbations devenant de plus en plus contraignantes, ERCOT s’est vu dans l’obligation de commencer à lancer des pannes de courant afin d’éviter le blackout total du réseau. Les problèmes ont affecté la quasi-totalité du réseau comme l’a montré la surveillance accrue de celui-ci par ERCOT.
Un cinquième de la production de gaz des États-Unis perdus
Au pic de la vague de froid, ce ne sont pas moins de 18,7 milliards de m3 produits par jour qui ont été perdus en raison des gelées, selon Wood Mackenzie. Ce volume représente un cinquième de la production totale des États-Unis. Les prix ont donc grimpé en flèche allant jusqu’à 1250 $ / mmbtu (million de BTU) pour certaines offres.