L’intelligence artificielle a révolutionné nos pratiques informatiques. Si elle permet d’aller plus vite dans de nombreux domaines, elle n’est pas exempte de consommation d’énergie. Et qui dit consommation d’énergie, dit émissions de CO2. Selon un rapport mené en interne, l’intelligence artificielle a contribué à faire augmenter les émissions carbone de Google de 48 % en cinq ans. Explications.
5 juillet 2024 à 11:20
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Le recours de plus en plus massif à l’intelligence artificielle a un impact environnemental non négligeable. En effet, elle implique le traitement et la conservation de nombreuses données dans des serveurs informatiques.
Les serveurs informatiques présentent une lourde empreinte carbone. Aujourd’hui, « la consommation énergétique des data centers est estimée à 2 ou 3 % de la consommation électrique mondiale », explique Jean-Marc Menaud, professeur à l’école d’ingénieurs IMT Atlantique à Nantes. Gros consommateurs d’énergie, avec l’usage de plus en plus important de l’intelligence artificielle et des données informatiques, ces centres ne font que croître.
Selon le cabinet de conseil Mordor intelligence (rien à voir avec la bataille du Mordor dans le Seigneur des Anneaux) « La taille du marché de la construction de centres de données devrait passer de 259,97 milliards USD en 2023 à 348,23 milliards USD d'ici 2028, enregistrant un TCAC de 6,02 % au cours de la période de prévision (2023-2028) ».
Et la tendance est à la hausse ! En effet, de plus en plus de monde décide d’utiliser l’intelligence artificielle. Selon le baromètre 2024 de l’esprit critique, réalisé par OpinionWay, environ 1/4 des Français avaient déjà eu recours à une IA générative. Selon Théo Alves da Costa, chargé de l’unité Développement durable et climat chez Ekimetrics « avec une forte croissance d’utilisateurs, ça peut rapidement devenir énorme ».
L’intelligence artificielle est donc source de gaz à effet de serre. D’après le dernier rapport environnemental de Google, les émissions de GES de ce géant ont enregistré de 13 % par rapport à l’année dernière et de 48 % par rapport à 2019.
L’entreprise l’affirme elle-même, c’est « principalement dû à l’augmentation de la consommation d’énergie des centres de données et des émissions de la chaîne d’approvisionnement. »
Google n’est pas la seule à faire face à ce constat. Autre géant de l’informatique, Microsoft aussi a vu son bilan carbone exploser cette année et affiche des émissions de gaz à effet de serre 30 % plus élevées que les projections de l’entreprise.
Enfin, Open Ai n’est pas en reste puisque l' On émet soixante fois plus de carbone en opérant une requête sur ChatGPT que sur Google » selon Dejan Glavas est professeur associé de finance et directeur de l’institut IA for Sustainability de l’Essca.
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Quelle est l’empreinte carbone de l’intelligence artificielle ?
Dès lors, comment réagir face à ce phénomène ? Les entreprises comme les citoyens sont amenés à se poser la question.
Si les serveurs polluent, c’est qu’ils sont souvent alimentés par des énergies fossiles. À titre d’exemple, « 2 tiers des data centers chinois fonctionnent à partir d’énergies fossiles, comme le gaz ou le charbon » selon le site spécialisé Hello Carbo.
Aujourd’hui les entreprises ont donc intérêt à s’appuyer sur des serveurs verts pour limiter leurs émissions de gaz à effet de serre. En utilisant les énergies renouvelables, elles peuvent verdir l’usage de l’électricité et réduire les effets de l’IA sur la planète.
Outre l’alimentation en énergie, ce sont aussi nos usages qu’il faut repenser. Pour éviter une surconsommation de données, les entreprises ont tout intérêt à former leurs collaborateurs à bien utiliser l’intelligence artificielle. Savoir poser les bonnes questions, interpréter les données, déceler le vrai du faux, tout cela s’apprend !
Enfin en tant que citoyen-ne, il convient également de modérer les usages. Le mot d’ordre est à la sobriété énergétique mais aussi numérique ! 😊 Si les IA génératives d’images peuvent s’avérer amusantes, elles encombrent largement nos serveurs. Une photo de petit chaton avec un chapeau pirate, des photos de célébrités trafiquées ou encore des images fantastiques ne sont pas forcément des plus utiles.
Le mieux reste de ne pas trop utiliser ces intelligences artificielles pour des recherches très basiques. Il existe mille autres manières de s’informer. On peut aller à des conférences dans sa ville, chercher des réponses dans les livres, etc. Bibliothèque, librairie de seconde main, rencontre dans des recycleries ou colloques dans des universités, il existe tout un tas de solutions alternatives pour faire fonctionner ses méninges. 😉
Attention, n’allez pas croire que nous sommes anti-progrès et que l’on refuse les avancées technologiques. Au contraire, l’intelligence artificielle n’est au final ni plus ni moins qu’un outil !
Mal utilisée, elle pollue. Et bien utilisée, elle peut réellement se mettre au service du climat. Elle sert par exemple, dans le cadre du projet Climate Trace, à recenser les émissions de gaz à effet de serre et à collecter de la data par pays. Un moyen de sensibiliser le grand public aux enjeux environnementaux.
Elle permet aussi de développer des outils pour repérer plus facilement des fuites de méthane ou de gaz polluants dans les entreprises et industries, d’optimiser les trajets de certains transporteurs, d’améliorer les protocoles de rénovation énergétique, etc.
Enfin, comme l’explique Pascal Yiou, chercheur en statistiques au Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (LSCE) «l’IA enrichit beaucoup la climatologie ; elle permet de généraliser beaucoup de choses qu’on envisageait de faire sans en avoir les moyens».
L’IA a donc un potentiel formidable en termes de lutte contre le réchauffement climatique. À nous de voir comment nous voulons l’utiliser. La balle est dans notre camp ! 🌱
https://vert.eco/articles/lintelligence-artificielle-va-t-elle-donner-le-coup-de-grace-au-climat
https://climatetrace.org/
https://www.mordorintelligence.com/fr/industry-reports/data-center-construction-market
https://www.lejournaldesentreprises.com/breve/ia-les-emissions-carbone-de-google-en-hausse-de-48-2099687
https://www.lefigaro.fr/secteur/high-tech/on-emet-soixante-fois-plus-de-carbone-en-operant-une-requete-sur-chatgpt-que-sur-google-20240322