Depuis quelques années, la plantation d’arbres est devenue une activité à la mode pour compenser son empreinte carbone. Nombre d'entreprises ont recours à cette solution pour corriger leur activité émettrice de GES. En effet, on sait aujourd'hui que les forêts aident à la lutte contre le réchauffement climatique en étant de formidables puits de carbone.
Alors pourquoi ne pas applaudir des deux mains ce genre d’initiatives ? Les forêts peuvent-elles être la solution tant recherchée ? Qu'est-ce que cache cette action privilégiée par les plus grands pollueurs de la planète ? C’est ce que nous allons voir ensemble !
Attrapons nos loupes et notre plus beau haut de chef pour mener l’enquête sur les dessous des forêts plantées dans le but de compenser son empreinte carbone ! 🕵️
10 octobre 2023 à 10:00
Lecture 3 mn
En résumé
La plantation d’arbres est efficace en théorie et comportent d’autres avantages que la seule absorption du CO₂.
Pour le moment, cette solution semble être privilégiée pour l’image qu’elle renvoie plus que pour son efficacité.
Les quotas de CO₂ sont devenus de véritables marchandises que les entreprises peuvent s'échanger.
Comme le démontre notre article “Combien de dioxyde de carbone peut absorber un arbre ?”, les végétaux sont des puits de carbone. En effet, contrairement aux mammifères qui absorbent de l'oxygène pour recracher du dioxyde de carbone, les plantes absorbent du dioxyde de carbone pour créer de l’oxygène. La synergie est donc parfaite et permet de capturer le CO₂ émis dans l'atmosphère par l’activité humaine tout en garantissant une production d'oxygène, ce gaz qui nous est essentiel.
Un article paru dans la revue scientifique Nature intitulé “The economic costs of planting, preserving, and managing the world’s forests to mitigate climate change” (Les coûts économiques de la plantation, de la préservation et de la gestion des forêts du monde pour atténuer le changement climatique) démontre qu’avec un investissement d’environ 350 milliards de dollars (une broutille), les arbres plantés pourraient réduire les émissions de CO₂ entre 0.6 et 6 milliards de tonnes par an d’ici 2055.
La plantation d’arbres offre en plus d’autres avantages, comme la diminution des glissements de terrains, la réduction de la température ambiante ou encore une augmentation de l’humidité. Autant de paramètres qui peuvent favoriser la création d'espaces verts en milieu urbain (et même chez vous, avec des jardinières de balcon pour réduire son impact carbone par exemple !). 💐
Une solution qui paraît donc idéale, à son propre détriment.
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Combien de CO₂ un arbre peut-il absorber ?
Si un plan massif d'arborisation des espaces urbains à travers le monde peut aider à lutter contre le dérèglement climatique, cette solution est malheureusement privilégiée par les entreprises pour faire du greenwashing.
Ainsi, en braquant les projecteurs sur la plantation de forêts et la création d’espaces végétalisés, les entreprises s’achètent une conscience verte tout en poursuivant leurs activités fortement polluantes et émettrices de gaz à effet de serre.
Pourtant, la plantation d’arbres est lente, comme l'absorption du CO₂ par ceux-ci. Planter des hectares ne permet donc pas d’absorber le surplus d'émission de CO₂ déjà en train d'être rejeté dans l'atmosphère.
L’action de planter un arbre, présentée comme un acte immédiat, est donc une solution à moyen, voire long terme.
C’est cette dissonance qui permet une confusion entre le fait de planter des arbres et le fait de compenser la pollution émise au présent.
Plus encore, les forêts sont des endroits fragiles, surtout avec les sécheresses de plus en plus fréquentes. Un simple feu de forêt représente des tonnes de CO₂ qui repartent vers l'atmosphère.
Enfin, si une chose est claire, c’est bien que pour les scientifiques et les groupes d'experts comme le GIEC, la plantation d'arbres ne peut pas être l’unique remède, l'alpha et l’oméga de tous nos problèmes. Ainsi, la diminution de nos activités polluantes est bien plus mise en avant par les scientifiques. Le dernier rapport en date du GIEC parle d’un abaissement de 75% (et oui tant que ça) de nos émissions de CO₂ pour éviter les scénarios catastrophes, et tout cela, sans parler des autres gaz à effet de serre rejetés dans l'atmosphère par les activités humaines.
Si quelques grandes entreprises et fonds financiers peu vertueux investissent en masse dans la captation du CO₂, que ce soit par des puits de carbone naturels comme les forêts ou artificiels (on dit aussi technologiques) comme des systèmes de captation et d'emprisonnement du CO₂, c’est que cela est devenu un réel business.
Dans cette optique, protéger une forêt primaire ou financer des projets visant à restaurer un espace boisé (dans le cadre d’une gestion restauratoire par exemple) est moins rentable que la création d’un espace végétalisé qui va capter du CO₂ en partant de “zéro”.
Si le dioxyde de carbone devient une marchandise, alors certaines personnes qui vendent des moyens de l’absorber ne voudront pas qu’elle diminue.
Plus il y a de CO₂ émis, plus il y a de CO₂ à capturer et, donc, d’argent à se faire.
La plantation d’arbres est donc un geste plus que bienvenu pour la planète. Pour autant, ces espaces verts ne doivent pas nous faire oublier le reste du plan de bataille créé par les scientifiques experts-es du climat. Faire pousser des millions d'arbres doit donc faire partie d’un des fronts de lutte contre le changement climatique, mais sûrement pas le principal, ni le seul.
Les arbres ne peuvent pas être nos super-héros, compensant nos excès en permanence. Ils peuvent être des alliés, mais pas des excuses pour continuer à émettre plus de pollution que la planète ne peut en absorber sans avoir la fièvre. 🥵
https://www.nature.com/articles/s41467-020-19578-z
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-33141-etude.pdf
https://www.youtube.com/watch?v=FIknw7HR3-o&t=13s