Faisant partie intégrante des principes généraux du droit de l’environnement, le principe de précaution est l’un des dogmes qui soutient la politique française en matière d’écologie. En effet, en tant que principe inscrit dans la charte de l’environnement, il est constitutionnel et se place donc au sommet de la loi.
Après avoir découvert le principe du pollueur-payeur ou encore le principe de participation, partons donc à la conquête du troisième membre de ces super-héros du droit de l'environnement, le principe de précaution.
19 juillet 2023
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Le principe de précaution découle d’une loi importante dans l’histoire de l’écologie en France : la loi Barnier de février 1995.
Ministre de l’Agriculture de l’époque dans le gouvernement d’Edouard Balladur, Michel Barnier fait voter une loi renforçant la protection de l’environnement, notamment en créant les principes généraux du droit de l’environnement. Dans ceux-ci, on retrouve celui qui nous intéresse ici et qui est défini ainsi dans la loi : "L’absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l’adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l’environnement à un coût économiquement acceptable".
Le principe de précaution est donc très clair. Il faut tout faire pour préserver l'environnement, et ce, dès le moindre doute. Plus encore, quel que soit le scénario envisagé pour l'avenir, le principe de précaution invoque la nécessité de tout faire pour endiguer un problème écologique et protéger la nature.
Ce principe peut donc servir d’outil à l'État pour prévenir un dommage ou enrayer un danger d’ordre écologique, même s’il a très peu de chances de se produire. “Ne pas prendre le moindre risque pour protéger la nature et prévoir les risques potentiels” voilà un peu ce que répète le principe de précaution, comme un parent inquiet qui surprotège ses enfants (à juste titre ici).
Le principe de prévention écologique, comme nous l’avons vu dans notre article, est un principe en réponse à un problème écologique existant. Le principe de précaution, lui, est bien plus préventif et cherche donc la réponse aux problèmes qui ne sont pas encore advenus mais qui risquent d'apparaître.
Voilà un objectif qui, bien entendu, nous intéresse grandement ! La WWF tente de faire la promotion des énergies renouvelables afin de garder le dérèglement climatique en dessous de 1,5°C. Avec des industries qui consomment toujours plus de matières et une activité économique en perpétuelle augmentation, c’est une tâche qui requiert la mobilisation de toutes les forces luttant pour instaurer un modèle plus écologique.
Le principe de précaution est né au Brésil, et plus précisément à Rio, pendant la conférence des Nations-Unies sur l'environnement de 1992. C’est la première fois que des pays placent alors officiellement la préservation de la nature au-dessus de tout.
En règle générale, le moindre risque pour l'environnement décelé peut donc suffire à faire échouer un projet ou à mettre en œuvre des mesures visant à prévenir d'éventuels problèmes.
Si cette déclaration a fait date, très peu de pays ont effectivement inscrit ce principe dans leur droit national. De ce côté, la France a fait plus que cela. En inscrivant les principes généraux du droit de l’environnement dans la charte de l'environnement, elle a donné à ces derniers une valeur constitutionnelle.
En effet, le principe de précaution s’est vu, après avoir été consacré par la Loi Barnier rappelée précédemment, adossée à la Constitution de la Ve République via la Charte de l’Environnement. Ce qui fait de la France l’un des pays où la présence de ce principe est, au moins dans les textes, la plus marquée.
Pour autant, ce principe semble souvent oublié de par le monde, notamment à cause du frein qu’il représente pour la réalisation de différents projets de grande envergure. Ainsi, malgré son caractère d’utilité, c’est sans aucun doute le principe le plus décrié au nom du progrès.
En tant que doctrine directrice qui tend à préserver la nature, on pourrait penser que l'application dogmatique du principe de précaution freinerait le progrès dans le monde. Pourtant, la loi Barnier elle-même dans sa formulation est bien plus nuancée que cela.
En effet, il faut se souvenir des derniers mots de la définition de ce principe de la loi Barnier : (comme on ne va pas jouer au yoyo avec l’article, voici donc ces fameux derniers mots) « …visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l’environnement à un coût économiquement acceptable. »
“Un coût économiquement acceptable”
Toute la nuance, et tout ce qui démystifie la puissance théorique de ce principe est là. En effet, pour les travaux importants qui paraissent “vitaux” à l’économie, ce principe peut être outrepassé. En France, c’est ainsi le cas des projets d'aéroports, qui peuvent être approuvés, au détriment de l'application du principe.
Si le principe de précaution semble donc être un objectif vers lequel tous les programmes convergent (et encore, cela dépend quand on analyse le programme écologique des candidats à la présidentielle 2022), ce n’est pas exactement le cas dans les faits. Pour autant, avec une place de choix dans les lois françaises, ce principe a d'ores et déjà toutes les armes (comme la loi relative à la transition énergétique) pour devenir ce phare qui oriente les projets industriels sur le territoire français.