Face au dérèglement climatique, l'humanité tente de trouver des innovations techniques comme de nouvelles énergies renouvelables afin de continuer à produire de l'énergie sans pour autant impacter l'environnement. Si les centrales à éoliennes sont les stars des nouvelles technologies pour produire de l'électricité, une de leurs petites sœurs possède un très fort potentiel.
En effet, l'hydrolienne fluviale est un moyen de produire de l'électricité qui suscite de nombreux espoirs de par les multiples avantages qu’elle pourrait offrir. Partons donc en balade sur les fleuves du monde afin de découvrir cette technologie qui mérite d'être plus connue.
26 avril 2021
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Nous connaissons tous le principe de fonctionnement d’une éolienne. S’il est difficile de combattre les moulins à vent modernes comme le faisait Don Quichotte, c’est que l’on doit se confronter à des éléments incontrôlables comme le vent ou les courants marins.
Dans une éolienne, l’inertie des courants aériens est récupérée par des pales afin de faire tourner une turbine. Le mouvement mécanique des pales peut ainsi être converti en énergie mécanique elle-même transformée en courant électrique par un alternateur. Pour l'hydrolienne, le principe est exactement le même. Une seule chose diffère, le fluide.
Si les éoliennes et les moulins à vent brassent de l’air littéralement, les hydroliennes se servent des courants marins et de leurs inerties pour activer la rotation des pales et faire tourner la turbine. Alors que les hydroliennes marines récupèrent l'énergie des courants au large en pleine mer, les hydroliennes fluviales sont quant à elles destinées aux plus petits cours d’eau qui traversent les terres. Avec un courant assez régulier allant dans le même sens, de la terre vers la mer ou l'océan, les fleuves offrent ainsi un cadre propice à la mise en place de ce type d’hydrolienne.
Comme pour sa grande sœur de l’air, il existe deux grandes catégories d’hydrolienne : l’hydrolienne à axe horizontal et sa jumelle à axe vertical.
Si ce nom ne vous dit pas grand-chose, il s’agit tout simplement du type le plus connu d’éolienne et d'hydrolienne. Elles sont basées sur le même principe que les moulins à vent. Ainsi, l’air, ou dans ce cas, l’eau traversent les pales de façon perpendiculaire à l’axe de rotation de celles-ci.
De loin les plus communes, elles produisent plus que leurs cousines éloignées, les hydroliennes à axe vertical.
Contrairement au style moulin, les pales sont ici fixées à la verticale, souvent sur le modèle de l’Éolienne Darrieus. Vous avez sûrement déjà vu ce genre d’éolienne qui ressemble à une antenne de communication tournante. Les pales sont en général au nombre de trois et tournent dans l’axe du courant.
Une hydrolienne fluviale fonctionne donc entièrement sur le même principe qu’une hydrolienne maritime, seul l’endroit de pose diffère. Cette seule caractéristique change pourtant tout. En effet, le rendement de l’énergie marine est difficile à évaluer tant les endroits pour explorer les courants marins de façon rentable sont inégaux et peu nombreux. De fait, la puissance des courants nécessaires à la rentabilité de ces machines est assez rare (on parle principalement ici de la Manche et du large des côtes du Canada). L'omniprésence des cours d’eau et la régularité de leurs courants sont donc des avantages qui placent l’hydrolienne fluviale en première ligne pour combler des besoins énergétiques.
S’il y avait une cérémonie des Oscars pour les énergies renouvelables, l’hydrolienne fluviale serait sans doute nommée dans la catégorie ”révélation” ou “espoir”.
Cependant, les hydroliennes fluviales ne peuvent pas être aussi grosses que leurs homologues maritimes. Elles sont donc souvent d’une taille raisonnable et produisent par conséquent peu d'électricité en comparaison des mastodontes. C’est donc leur multiplication qui pourrait en faire une source d'énergie viable.
Les hydroliennes fluviales possèdent de nombreux avantages qui peuvent jouer en leur faveur dans la grande famille des centrales hydrauliques.
Contrairement aux forts courants marins, nécessaires pour produire de l'électricité de façon rentable en mer, les rivières, les fleuves et autres cours d’eau sont présents un peu partout sur la planète. Cette répartition pourrait avoir un impact sur une diminution des problèmes de distribution de l'électricité, d’autant plus dans des pays qui ne sont pas producteurs pour le moment. Le World Energy Council estime ainsi la capacité des cours d’eau dans le monde de 3 à 10 gigawatts, une source assez importante pour ne pas être négligée.
Contrairement aux systèmes très imposants des hydroliennes marines, la taille des pales pour les modèles fluviaux peut grandement varier. Dans les petits cours d’eau, une petite hydrolienne ou un microgénérateur pourrait ainsi produire une centaine de kilowatts. Dans les grands fleuves à fort courant, de plus grosses hydroliennes peuvent produire jusqu'à plusieurs mégawatts. Une diversité dans les approches qui peut permettre une production “à la carte”. Enfin, la prévision des courants étant un art que les scientifiques maîtrisent, il est possible de prévoir la production d'électricité en avance.
Si, pour le moment, les quelques hydroliennes fluviales sont des expérimentations, les fermes d'hydroliennes dans les fleuves ou les rivières pourraient à terme produire de l'électricité pour un village isolé doté d'un cours d’eau. Une stratégie qui s'inscrit parfaitement dans le plan de développement des énergies renouvelables. En effet, les applications sont multiples et ne nécessitent pas la logistique des plus grosses hydroliennes marines qui peuvent peser plusieurs centaines de tonnes. En plus, en étant submergées, les hydroliennes n'impactent pas l'espace visuel. Si l’on est heureux de ne pas voir notre champ visuel altéré par des machines au milieu de la nature, les poissons et autres êtres vivants qui s'épanouissent dans les cours d’eau ne sont peut-être pas de notre avis.
Quand bien même l'hydrolienne fluviale est invisible pour nous autres, l’est-elle réellement pour ceux qui vivent dans les fleuves et les rivières ? Une question qui n’est pas encore totalement tranchée.
Les hydroliennes fluviales n'étant pas très répandues, il est difficile de faire le point sur leur impact environnemental, tant dans leur prédiction que dans leur utilisation. L’installation aussi bien que leur utilisation posent plusieurs problèmes techniques qui peuvent entraver le développement de ce mode de production d'énergie renouvelable.
Pouvant être un lieu de rendez-vous pour les végétaux ou les animaux qui peuvent s’y fixer, l'hydrolienne ne peut être aspergée d’un produit qui évite ce genre d’invités. Il faut donc la sortir assez régulièrement pour éviter l’encroutement. Pour autant, ces manipulations peuvent grandement perturber le milieu naturel dans lequel l’hydrolienne est immergée. L'impact sonore et hydrodynamique durant ces maintenances peut ainsi déranger la faune et la flore locales, voire dérégler l'écosystème mis en place par Dame Nature.
Qui serait content avec un-e nouveau-elle voisin-e qui émet du bruit, des vibrations et dérange en permanence ? Le simple mouvement des pales crée des perturbations que ce soit dans le courant comme dans la sédimentation naturelle des milieux.
Plus encore, certains animaux marins seraient désorientés par le changement des courants. Les pales provoquent une décélération du courant au centre, ce qui entraîne une accélération du courant sur les côtés. Or, les poissons utilisent ces courants et contre-courants pour éviter les obstacles.
En perturbant les cours naturels, l'hydrolienne agit comme un brouilleur qui peut même entraîner certains animaux à la blessure s’ils sont attirés dans les pales de la machine.
Enfin, pour ne rien arranger, les effets électromagnétiques de ces installations sur la nature et les animaux sont encore très mal connus.
Des ingénieurs travaillent déjà sur de nouveaux modèles comme les hydroliennes à pales oscillantes qui n’ont que très peu d'impact sur les courants, pourtant, il reste encore du chemin à faire pour analyser les actions que ces infrastructures pourraient avoir sur l’environnement. En attendant, elles offrent une adaptabilité que n'ont pas les autres énergies renouvelables, avec notamment la possibilité de créer de multiples types d’hydroliennes à taille variable en fonction des cours d'eau et des besoins. Même s’il reste quelques doutes sur les conséquences environnementales, c’est de l’ordre de la « goutte d’eau » en comparaison des énergies comme le charbon (récemment utilisé pour éviter les coupures), le pétrole ou encore le nucléaire.
Don Quichotte se battait contre les moulins à vent de son époque, sans grand succès. Peut-être devrions-nous alors pactiser avec les moulins à eau de notre siècle ? Une question qui trouvera une réponse lorsque l'hydrolienne fluviale et le courant qui l'entraîne seront véritablement une énergie renouvelable utilisée par l’humanité. Et, si tous-tes les acteur-ices du secteur ont le même enthousiasme que le héros de Cervantes, alors l'hydrolienne fluviale à un avenir devant elle au côté des autres énergies renouvelables.