
Augmentation des taxes sur l'électricité ? On vous explique tout !
C’est un article du quotidien Les Echos qui a fait grand bruit. Le journal affirme que le gouvernement envisagerait d'augmenter certaines taxes sur l'électricité pour renflouer les caisses de l'État.
C’est en effet 60 milliards d'euros que le gouvernement Barnier s’est engagé à trouver d’ici 2025 pour “redresser la barre des comptes publics”. Si une taxe sur les super-profits des énergéticiens avait, un temps, été mise sur la table, il semblerait que les arbitrages qui se dessinent ne soient pas de même augure, touchant les factures de tous-tes les Français-es.
Alors, quelles sont ces augmentations de taxes éventuelles ? C’est ce que nous allons voir ensemble !
2 décembre 2024 à 18:00
Lecture 6 mn
En résumé
La Taxe Intérieure sur la Consommation Finale d'Electricité est une taxe que l’on mesure en euros par mégawattheure. Son augmentation a été annoncée lors du Projet de Loi Finance pour 2025.
Cette taxe sur une énergie qui peut-être propre interroge les experts de la transition énergétique.
L'avis d'Ekwateur sur les TRV (Tarifs Règlementés de Vente)
La TICFE, c’est quoi ?
La Taxe Intérieure sur la Consommation Finale d'Électricité est un impôt que l’on mesure en euros par mégawattheure. En l’augmentant plus que prévu (oui, elle devait déjà augmenter, on en parle juste après), cela pourrait se faire ressentir sur les factures d'électricité.
La TICFE est l’héritière d’une longue série de taxes introduites dans les années 2000 pour financer la transition écologique et l'entrée vers une nouvelle ère énergétique qui favorise les énergies renouvelables.
Quand elle remplace l’accise sur l'électricité en 2004, elle est à 4,50 € par mégawattheure.
Elle augmente au fur et à mesure des années (9 €/MWh en 2012, 16 € en 2014, 19 € en 2015) pour atteindre plus de 22 € en 2016.
À l’époque, on justifie ces hausses par les investissements consentis dans les filières d’énergies renouvelables.
Les objectifs de la France comme de l’Europe sont en effet très ambitieux, car ils visent une neutralité carbone d’ici 2050 avec une prolifération des voitures électriques et, par conséquent, une consommation accrue de ce type d’énergies.
En raison de la guerre en Ukraine, la crise financière, qui en découle, change la donne. Pour amortir les pertes des ménages qui paient une augmentation importante, la TICFE est réduite à 1 € par mégawattheure pour les particuliers et 0,50 € pour les entreprises en début d’année 2022, les niveaux les plus bas admis par la législation européenne.
🚱 Cette diminution drastique assèche donc cette source de revenus et ce ne sont pas loin de 20 milliards d’euros qui ne rentrent pas dans les caisses de l'État.
Deux ans plus tard, en 2024, en ce qui concerne l'Europe, la crise énergétique étant derrière elle, les prix redescendent enfin. Le gouvernement indique alors le rétablissement de la TICFE à un prix de 21 € par mégawattheure. Dans le même temps, et face aux perspectives optimistes concernant le marché de l’énergie, le gouvernement annonce l'augmentation de cette taxe à 32 € par mégawattheure, son niveau d’avant la crise.
Une grosse augmentation donc, qui va toutefois passer inaperçue selon Bercy, car le coût sera couvert par la diminution importante du prix du kWh sur le marché européen de l'énergie.
📸 Le scoop du journal Les Echos, c’est qu’une augmentation encore plus importante est sur la table et pourrait donc avoir lieu.
L'augmentation au-delà des 32 € annoncés ?
Selon le Projet de Loi de Finances 2025, la taxe pourrait s'établir entre 30,09 € et 50,09 € par MWh (Article 7 du PLF présenté le jeudi 10/10/24 en conseil des ministres).
D’après le journal, cette augmentation pourrait rapporter 6 milliards d'euros sur l'enveloppe de 60 milliards recherchés.
Le gouvernement Barnier renonce à une grosse augmentation de la TICFE
Face à la fronde des sénateurs et des députés de l'opposition, Michel Barnier a renoncé à cette hausse importante, laissant l'augmentation au niveau d’avant la crise énergétique, c’est à dire environ 32 € du MWh.
Le gouvernement argue que cela n’est pas une hausse puisque l’on revient au niveau d’avant la crise. Toutefois, pour les Français-es, cela va bien se traduire par une augmentation de cette taxe.
👋 La taxe s'élève à 21 € en 2024, elle va donc augmenter dans le temps.
Une taxe qui concerne tout le monde
La TICFE concerne tous les contrats et se répercute donc forcément sur la facture d'électricité.
Qu’il s’agisse de contrats aux prix réglementés (la baisse prévue par la CRE sera moins importante sur la taxe et plus élevée que les prévisions déclarées par le ministère) ou des contrats aux prix du marché, la facture augmentera.
Comme les prix du kWh ont beaucoup diminué, la réduction sera donc moindre (si on prend le tarif élevé de l’année dernière par exemple). Toutefois, à la moindre augmentation des tarifs, cette taxe pourrait alors peser dans le budget des Français-es.
Une taxe pas très écolo
Le problème de l’augmentation d’une telle taxe est qu’elle contrevient aux objectifs à long terme du pays. En effet, rapportée aux émissions de CO2 qu'elle génère, l'électricité est bien plus taxée que les énergies issues de ressources fossiles comme l’essence, le charbon ou le gaz naturel.
🛢️ Avec cet accroissement potentiel, l'électricité serait entre 7 et 12 fois plus taxée que le gaz naturel (en fonction des valeurs qui seront retenues), si on rapporte cela aux émissions de dioxyde de carbone. Rien que ça.
Des taxes qui provoquent une interrogations des acteurs de la transition énergétique
Cette taxe sur une énergie qui peut être propre interroge les experts de la transition énergétique.
Alors même que les énergies fossiles sont montrées du doigt, au profit des énergies renouvelables, alourdir les taxes de l'électricité sonne comme à contre-temps. En effet, les énergies renouvelables produisent en grande partie de l'électricité (le biogaz produit du gaz). Le choix d'opérer un virage vers la voiture électrique est un signe que cette énergie est encore là pour longtemps puisqu’elle peut être verte.
Taxer une ressource qui représente l’avenir de l’Europe, vantée par les politiques eux-mêmes (on peut notamment citer l'interdiction des voitures à moteur thermique neuves d'ici 2035), est donc un frein donné par ceux-là mêmes qui, publiquement, soutiennent la transition énergétique et l'essor des énergies renouvelables dans nos sociétés.
🤷 Face à cette contradiction, les consommateurs-ices risquent d’être perdus-es ! On demande une transition vers des appareils qui consomment de l'électricité en priorité, afin de diminuer nos émissions de gaz à effet de serre avec des énergies polluantes et dangereuses pour la santé et les écosystèmes, tout en taxant cette énergie bien plus fortement que les énergies fossiles.
Plus encore l'uniformisation de la TVA à 20 % (aujourd'hui à 5,5 % pour l’abonnement et à 20 % pour la consommation) et la suppression du taux réduit vont peser sur les consommateur-ices d’énergies.
Cette augmentation de la facture d'électricité pourrait en plus se répercuter le plus durement sur les précaires et les habitations mal isolées qui consomment donc beaucoup d'énergie pour se chauffer.
Les entreprises ne seraient pas non plus à la fête avec des coûts supplémentaires dans un moment où, pourtant, les prix sur le marché de l’énergie ont diminué.
Si le gouvernement a renoncé à l'augmentation importante de la TICFE, il l’a quand même maintenue, ce qui réduit encore un peu plus le gain dont devraient profiter les Français-es avec la baisse du prix de l'électricité sur les marchés de l’énergie.
Selon un article de Guillaume Jacquot pour Public Sénat, cette incompréhension est déjà partagée par l’ancien rapporteur de la commission d’enquête sénatoriale sur le prix de l'électricité. Ses préconisations allaient en effet dans le sens inverse avec un prix de la TICFE ramené à 9,50 € par mégawattheure pour les volumes de consommation de première nécessité.
Il semble qu’il n'ait pas été écouté.
La position d’Ekwateur sur les tarifs réglementés de vente (TRV)
Le gouvernement annonce une baisse de 14 % des Tarifs Réglementés de Vente (TRV), malgré la hausse des taxes. Toutefois, cette réduction survient après deux années de TRV très élevés à cause de la crise énergétique (une conjoncture exceptionnelle avec l’Ukraine et des pannes dans le parc nucléaire français). Les TRV étaient plus chers que certaines offres du marché, et cela ne va pas aller en s’améliorant.
Plus encore, depuis 2007, il y a toujours eu des offres de marché moins chères que les TRV (sauf en 2022, avec la crise énergétique).
Comme l’expose l’ANODE dans son communiqué de presse du 29 novembre 2025, même en prenant en compte la hausse des taxes, les offres de marché resteront plus attractives économiquement que les Tarifs Réglementés de Vente.
Cela a une conséquence dont on ne parle pas assez : en 2023, les fournisseurs alternatifs ont coûté moins cher à l’Etat, notamment grâce à des achats sur les marchés financiers plus compétitifs. Avec son système de lissage sur deux ans, le TRV n’est donc pas une sécurité en plus pour les consommateurs-ices.
Face à cet état de fait, l’ANODE et l'autorité de la concurrence préconisent donc l’arrêt des TRV d’ici 2026, ce qui semble logique puisque ces tarifs ne servent pas à protéger (ou pas totalement du moins) la consommation énergétique des Français-es face aux fluctuations du marché des énergies.
Les TRV sont donc des offres faussement protectrices qui n’ont plus raison d’être tant il existe des alternatives moins chères avec un service au moins équivalent.
Les taxes vont donc augmenter, en bénéficiant d’un marché de l’énergie qui offre des prix beaucoup plus acceptables.
Les Français-es auraient pu avoir une diminution encore plus grande de leurs dépenses énergétiques sans ces hausses. Le gouvernement utilise donc un paradigme avantageux pour tenter de faire passer cette baisse de gain pour un gain tout de même. C’est un peu comme les “promotions” sur des produits dont le prix a été augmenté en amont.
On peut nous faire croire que l’on est gagnant, toutefois, on paie tout de même plus que ce qui était prévu au départ.
https://www.lesechos.fr/economie-france/budget-fiscalite/exclusif-le-gouvernement-veut-doubler-la-taxe-sur-lelectricite-en-2025-2123972
https://www.collectivites-locales.gouv.fr/finances-locales/taxe-interieure-sur-la-consommation-finale-delectricite
https://www.publicsenat.fr/actualites/economie/electricite-la-piste-explosive-dune-hausse-des-taxes-plus-importante-que-prevu