Comment produire de l'ammoniac vert ?

L’ammoniac est produit à partir du gaz naturel. Sans vouloir faire un cours soporifique, voici quelques notions d’histoire : de 1894 à 1911, le chimiste et prix Nobel Fritz Haber développe un procédé servant à composer de l’ammoniac et c’est l'industriel Carl Bosch qui l’industrialise en 1909.  

Dans un catalyseur à base d'oxyde de fer et placé à haute pression, la réaction de l’hydrogène (H2) avec du diazote (N2) produit de l’ammoniac (la magie de la chimie ! 😉).  Avec la mise en place d’une production à grande échelle, des secteurs comme l'agriculture seront révolutionnés. 

Le souci, c'est que ce procédé pollue énormément. La revue scientifique New Atlas a ainsi listé les problèmes liés à la conception d’ammoniac avec cette méthode, parmi lesquels on retrouve la très forte génération de dioxyde de carbone et de protoxyde d'azote, tous deux responsables de la pollution, dont celle des nappes phréatiques ou encore l’émission d’une grande quantité de méthane. 

Néanmoins, avec la prise de conscience contemporaine de la nécessité de préserver la planète, cette production a été pointée du doigt, car trop polluante et émettrice de gaz à effet de serre. Après plus d’un siècle d’attente, les scientifiques ont réussi à développer un ammoniac vert, non pas avec du gaz naturel, mais bien à partir d’énergies renouvelables comme l’éolien ou le solaire.

Grâce à l'électrolyse, une méthode qui permet des réactions chimiques en utilisant l'électricité, les chercheurs-euses ont extrait l'hydrogène présent dans l’eau. Un système de séparation de l'air permet, quant à lui, d'emprisonner l’azote sans mal. 

Plus besoin d’un catalyseur à haute pression, et surtout, plus besoin de gaz naturel. Ici, l’eau, l’air et une énergie suffisent. 

Utiliser des énergies renouvelables pour produire cette réaction à l'électrolyse est donc la solution la plus logique, d'autant plus que ce procédé existe déjà et n'est pas très difficile à mettre en place. 

L'ammoniac vert est donc bel et bien une réalité, même s'il émet des oxydes d'azote.

Une véritable petite révolution qui s'offre à l'industrie de l'agriculture, du transport, ou de l'énergie.

L'ammoniac est aujourd'hui utilisé dans la fabrication de nombreux articles comme celle de certains explosifs, du plastique, de fibres synthétiques, des cigarettes, ou encore des thermomètres. Dilué dans l’eau, cet élément devient de l'ammoniaque et agresse notre sens de l’odorat. On vous rassure, ce n’est pas son utilité première. 😉

Avec autant d’usages, on pourrait se demander ce que l’ammoniac vert pourrait apporter en plus. Pourtant, la liste est longue !

Parce qu'il se liquéfie à la manière de l'hydrogène (et même plus facilement), l'ammoniac vert pourrait servir à stocker, puis acheminer de l'électricité et ainsi être à l’origine d’ouverture des routes commerciales entre les pays producteurs d'énergie solaire et le Royaume-Uni et son ciel gris par exemple. ☔

À l'image de l'hydrogène, l’ammoniac pourrait servir de carburant pour le transport maritime ou le transport routier lourd. Parce qu’il permet une densité énergétique plus élevée que l'hydrogène et les batteries à lithium, il pourrait devenir une véritable solution viable pour les immenses moteurs des cargos et des camions, très gourmands en énergie. 

Sans attendre, la multinationale Fortescue Future Industries a transformé un navire de 15 mètres de long, le MMA Leveque, pour qu’il fonctionne entièrement à l’ammoniac. Concrétisant ainsi la démonstration du superordinateur norvégien Betzy qui a déclaré que l'ammoniac, utilisé pour la navigation des cargos, serait le carburant le plus respectueux de l’environnement ! Si même l’ordinateur le plus puissant de Norvège le dit, ce changement pourrait grandement influer positivement sur l'impact environnemental des transports dans le monde.

En remplacement du gaz fossile, l’ammoniac pourrait aussi servir à la production d'électricité. Des pays comme le Japon en consomment déjà pour faire tourner les centrales thermiques. 

Un projet ambitieux dans le Minnesota rassemble l'université de l'État et le ministère américain de l'Énergie pour tenter de créer un système combinant l'énergie éolienne et l'ammoniac vert. 

Le projet est simple : installées près des fermes, les éoliennes domestiques pourraient fournir de l'électricité pour les individus autant que pour un système de production d'ammoniac vert. 

Sous l'impulsion de l'énergie éolienne permettant l'électrolyse de l’eau et de la séparation d’air, l’ammoniac vert ainsi produit pourrait alors servir directement d'engrais pour les producteurs-ices environnant-e-s.

Si l'optimisme est logiquement de mise avec l’ammoniac vert, quelques problèmes demeurent. 

D’abord, le procédé n’est pas aussi intéressant que celui de Haber-Bosch financièrement, ce qui n'incite pas les grands groupes à investir massivement dans la transformation de l'industrie pour adapter la production à cette nouvelle méthode. Toutefois, si des aides étatiques massives vont dans ce sens, alors la conversion de cette industrie sera plus rapide. Pour le moment, cependant, la production d'ammoniac vert reste l’exception.

De plus, l'efficacité intermittente des énergies renouvelables, malgré de nouvelles pistes, peut freiner la production d’ammoniac, d’autant plus que le procédé reste encore nouveau et loin d'être parfaitement optimisé pour ce genre d'énergies.

L’ammoniac vert semble donc être une excellente promesse pour l’avenir. Pour autant, malgré toutes les possibilités qu’il offre, sa production reste encore marginale comparée à son homologue polluant. Croisons les doigts pour que ce ne soit bientôt plus le cas ! 🤞