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Pourquoi les forêts françaises absorbent-elles moins de CO₂ qu'auparavant ?

La France a de grands objectifs en ce qui concerne la neutralité carbone qui doit être atteinte vers l’année 2050. Pour ce faire, l’Etat possède des outils qu’il peut développer comme les puits de carbone, ces espaces naturels ou technologies capables d’absorber et de stocker les GES. 

Parmi ces puits de carbone, on compte bien entendu les espaces verts, dont les forêts sur lesquelles la France comptait beaucoup jusqu'alors. 🌳

Pourtant, alors que la troisième version du plan de stratégie bas carbone va paraître, le rapport annuel du Haut Conseil pour le Climat 2023 démontre la diminution significative de la capacité de stockage de nos forêts françaises. Pire encore, certaines d’entre elles se sont mises à émettre du dioxyde de carbone au lieu de l'absorber. 

Mettons nos chaussures de marche pour partir à la rencontre de nos forêts et comprendre pourquoi leur capacité à stocker a chuté de moitié en une décennie. 🥾

En résumé


Des raisons claires et précises

En observant des milliers de parcelles choisies pour leur représentativité du paysage français, et en revisitant certaines d'entre elles (des milliers encore une fois) tous les cinq ans, les scientifiques peuvent suivre et comprendre les évolutions de nos forêts. Le rapport fait donc état de trois grandes raisons qui expliquent cette chute de la capacité de stockage de CO₂ des forêts.

Une sécheresse qui n’aide pas à la croissance

Les arbres ont besoin d’eau pour survivre, certes, mais aussi pour grandir ! 

Et oui, comme la publicité qui voyait un enfant crier à sa maman “Il me faut de l’eau !” (cela ne nous rajeunit pas 😉), les arbres souffrent de la sécheresse environnante. Or, depuis 2015, la France connaît régulièrement des épisodes de canicule qui paralysent l'évolution des arbres, empêchant ainsi l'augmentation de la capacité de stockage de ceux-ci. 

Les arbres absorbent le dioxyde de carbone pour l’emmagasiner. Mais pour en absorber plus, l’arbre doit grandir comme le montre notre article sur le sujet ("Combien de CO₂ peut absorber un arbre ?”). Or, sans l'eau, élément essentiel à son développement, l’arbre ne peut pas augmenter sa capacité d’absorption du CO₂.

On peut aisément prévoir que ce type de sécheresse ne va pas cesser de sitôt, alors même que l’année 2023 bat tous les records en termes de réchauffement climatique. Ainsi, le 23 mai 2023, le monde a enregistré le record de température des eaux, de l'atmosphère, mais aussi la plus petite taille de banquise jamais enregistrée. Tout cela, dans la même journée !

La sécheresse est donc une conséquence directe du réchauffement climatique et, en même temps, elle l’accentue. On est alors dans un cercle vicieux qu’il faut vite briser.

Les insectes et champignons

Le réchauffement climatique ne fait pas qu’assécher les végétaux, il favorise aussi le développement des insectes et des champignons qui s’en nourrissent. La chalarose, un champignon importé d’Asie, est ainsi aujourd'hui l’une des principales menaces pour l'écosystème européen et français. Ce champignon s’insère dans les vaisseaux conducteurs de l’arbre pour l’assécher de l’intérieur.

Le scolyte, un minuscule insecte de 5 mm en moyenne aime manger le bois tendre, juste sous l'écorce des arbres, leur causant parfois de lourds dommages

Enfin, les chenilles processionnaires autrefois cantonnées à une partie du pays deviennent des touristes présentes sur tout le territoire national, au grand dam des forêts peu armées contre ces insectes. 🐛

Cette multiplication des menaces oblige les arbres à utiliser leur énergie plutôt pour se défendre que pour pousser. Cela tue donc un nombre important d'arbres mais ceux qui survivent voient leur croissance freinée par ces agressions extérieures qui se multiplient.

La déforestation

Si les forêts sont indispensables pour notre survie, le bois reste une matière très utilisée par les hommes, ne serait-ce que pour se chauffer. 

En France, on coupe plus d’arbres que la nature est capable d'en produire, c’est ce qu’on appelle le taux de prélèvement du bois.

Avec un taux à 65%, une augmentation de 10% en quelques d’années, la France n’est pas une excellente élève. Cette exploitation à outrance de nos réserves forestières favorise donc aussi ce déclin dans la capacité de stockage de nos forêts.

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Comment lutter contre ce phénomène ?

Face à ce constat implacable, des solutions tentent d'être trouvées par des experts autant que par le gouvernement. Pour autant, deux grandes voies semblent s’opposer dans la résolution de cette crise.

La méthode “naturaliste”

Certains considèrent que le mieux à faire pour préserver nos forêts, et augmenter les puits de carbone forestiers, est de laisser ces espaces tranquilles et observer la nature faire, dans la continuité de la gestion restauratoire et de ses principes. 

Les végétaux se sont ainsi toujours accoutumés à de nouvelles menaces, des cycles de sécheresse, ou encore des intempéries violentes. Avec le moins d’intervention humaine possible, ces spécialistes pensent que la forêt et son écosystème s'adapteront naturellement aux aléas extérieurs. En laissant la forêt se débrouiller, on fait confiance à la résilience naturelle des espèces.

La méthode ‘interventionniste”

Avec cette méthode, l'humanité désire remplacer les végétaux peu productifs par des résineux, les super-travailleurs.

Ainsi, on peut penser à des arbres comme le fameux Kiri qui absorbe dix fois plus de CO₂ que certaines autres espèces. Néanmoins, cette approche semble aussi efficace sur le papier que délétère pour la nature. En remplaçant les espèces endémiques ou locales par des arbres plus efficaces mais moins adaptés, c’est tout l'écosystème qui est chamboulé, provoquant la disparition d’insectes, d'animaux ou de certains végétaux vivant en harmonie avec les arbres du coin.

Face à des preuves tangibles de la réduction de la capacité de stockage du CO₂ par nos forêts, le gouvernement va devoir trouver une autre solution pour absorber les milliards de tonnes de GES que nous produisons chaque année. La France reste en effet bien au-dessus de ces objectifs en matière d'émissions de gaz à effet de serre.

Pour lutter contre cette diminution de puits de carbone naturels, il est toujours possible de tenter de les remplacer par des puits de carbone artificiels, qui seront coûteux et peu en adéquation avec la nécessité de laisser la nature abonder. Ainsi, même si des solutions artificielles miracles existent, la possibilité d’une préservation optimale de nos forêts déjà malmenées pourrait être encore un peu plus mise de côté.

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