Quand on parle de “neutralité carbone", on ne parle pas de la couleur grise de la matière, si prisée des ingénieurs et des amateurs-ices de tuning, non. La neutralité carbone est un concept de climatologie utilisé pour la première fois en politique dans l'Accord de Paris à échelle mondiale.
L’objectif des signataires est clair : atteindre la neutralité carbone en 2050. L'Europe, dont tous les pays sont signataires de l’accord, devra donc absorber autant de carbone qu’elle en émet d’ici plus ou moins 25 ans.
Enfilons nos plus beaux kimonos pour rendre visite au sage positionné sous la cascade, afin de comprendre l’équilibre parfait, ce lien harmonieux avec la nature, une façon de ne pas prendre plus à la terre que ce qu’elle ne peut donner : la neutralité carbone. 🥋
19 octobre 2023 à 00:00
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En résumé
La neutralité carbone est un point d'équilibre sur une échelle d’émission et d'absorption des gaz à effet de serre. Si le concept parle bien de neutralité carbone, c’est que les émissions de dioxyde de carbone sont principalement visées. Pour qu’il y ait une neutralité quelconque, il faut deux camps, le concept se définissant comme un équilibre parfait entre deux choses. Si Arsène Lupin vole un billet de 100 euros, puis remet un autre billet de 100 euros dans la caisse, son action s’annule et il n’a pas volé. Cela marche un peu comme cela avec la neutralité carbone.
Comme le démontrent nos articles sur les empreintes carbone des objets ou des aliments, tout ce que nous consommons a une empreinte carbone. Celle-ci se mesure en prenant en compte les quantités de gaz à effet de serre émises durant la production de l’objet ou de l’aliment, son transport et sa consommation.
Selon le GIEC, qui s’appuie sur plusieurs décennies de rapports scientifiques, le taux d'émission de plus en plus élevé lié aux activités humaines a un impact climatique sur la planète. Parce que nous émettons plus de dioxyde de carbone que la planète peut en absorber, le phénomène appelé “effet de serre” est accentué, ce qui provoque un réchauffement de la planète.
L'empreinte carbone de nos aliments
L'absorption des gaz à effet de serre comme le dioxyde de carbone ou le méthane est avant tout un phénomène naturel. En effet, les forêts, les océans et les mers, sans oublier les sols, agissent comme des puits de carbone en capturant ces gaz à effet de serre et en les emprisonnant.
Pour augmenter la capacité d'absorption de la planète, l’humanité crée donc des puits de carbone naturels, comme des forêts, mais aussi des puits de carbone artificiels (qui ne fonctionnent pas tellement pour le moment) comme les anciens puits de pétrole rendus étanches que l’on remplit de GES ou des dômes de sel qui absorbent et emprisonnent les GES et diminuent ainsi leur quantité dans l'atmosphère.
Un puits de carbone absorbe plus de gaz à effet de serre qu'il en émet, jouant le rôle inverse des émetteurs de carbone comme les usines ou nos voitures.
Cette diminution est comptabilisée comme des émissions négatives (-1 tonne de dioxyde de carbone) qui peuvent alors se soustraire aux émissions positives de gaz à effet de serre (+1 tonne de dioxyde de carbone).
La neutralité carbone est donc ce point d’équilibre parfait, un état où une entreprise, un pays, ou bien un continent, parvient à zéro émission nette. Cela veut donc dire que la somme des émissions à effet de serre qu’il ou elle émet est exactement égale à la somme des émissions qu’il ou elle absorbe.
Si une entreprise produit 100 tonnes de CO₂ par an et qu’elle compense ses émissions par des projets qui absorbent 100 tonnes de CO₂ (qui créent 100 tonnes d’émissions négatives), alors cette entreprise peut se targuer d’une neutralité carbone.
Pour atteindre la neutralité carbone, les entreprises ou les pays investissent dans des projets de puits de carbone permettant de contrebalancer leurs émissions. C'est ce que l’on appelle la compensation carbone.
Maintenant que l’on comprend le concept de neutralité carbone, comment s’incarne-t-il dans le réel ?
Si cette notion est utilisée notamment par le GIEC comme arme pour éviter d’atteindre une hausse au-delà d’1,5 °C, elle est aussi critiquée, de diverses manières, pour sa définition assez vague qui conduit à divers abus et pour les méthodologies de ce calcul qui varient selon les intérêts des uns et des autres.
Pour atteindre la neutralité carbone, il faut que l’entreprise ou le pays calcule non seulement ses émissions de gaz à effet de serre, mais en plus ses émissions négatives, c'est-à-dire le nombre de tonnes que les puits de carbone absorbent.
Or, ce calcul est très compliqué. Savoir combien un arbre peut absorber de CO₂ est déjà une étape qui pose divers problèmes pour les scientifiques, alors effectuer le calcul précis pour une forêt tout entière, avec la disparité de ses arbres, ses plantes et buissons est tout simplement impossible.
Les chiffrages sont donc toujours des estimations plus ou moins proches de la réalité.
Plus encore, le calcul des émissions peut se faire à partir du moment où l’objet de consommation est sur le territoire, sans compter sa production et son transport. Cette approche aura forcément tendance à minimiser le réel impact carbone des objets, contrairement à l'empreinte carbone qui mesure les émissions d’un objet de sa production à sa consommation, en passant par son transport.
Si le dioxyde de carbone est un gaz responsable de l'effet de serre, ce n’est assurément pas le seul. La vapeur d’eau contribue à ce phénomène, comme le méthane et d’autres gaz. Pour certains militants écologistes, parler de neutralité carbone, c’est mettre en avant un gaz pour mieux pouvoir cacher les autres. Certains calculent ainsi la neutralité carbone juste à partir des émissions de dioxyde de carbone, quand d’autres comptent les autres gaz responsables de l’effet de serre. Ce qui fausse forcément les calculs mondiaux.
Le concept même “d’émissions négatives” est critiqué. D’une part, il est très difficile de mesurer la proportion de GES qui est absorbée, rendant ce permis d'émettre très peu fiable. De plus, pour certains spécialistes, le principe même d’émissions négatives est un non-sens qui permet des projections plus optimistes dans le but d’atténuer la réduction des émissions de GES.
La compensation carbone n’est pas pratiquée partout, ce qui est le premier grand problème. Les pays qui appliquent ce principe peuvent donc polluer plus que les autres, en prétextant cette compensation. Mais, un puits de carbone n'absorbe jamais les GES aussi vite que l’activité humaine ne les émet.
De plus, cette compensation à l’échelle internationale peut provoquer des catastrophes. En effet, tous les endroits sur la planète ne se valent pas et faire pousser une forêt dans le désert du Nevada pour mieux couper les arbres de l'Amazonie ne semble pas être la meilleure des idées. Si l’exemple est un peu caricatural, il est vrai, détruire une forêt primaire et tout son écosystème ne peut pas être “compensé” par la création d’espaces verts, aussi grands soient-ils.
La neutralité carbone est un outil nécessaire pour mieux lutter contre le réchauffement climatique. Toutefois, cela ne doit pas nous empêcher de nous interroger sur le fonctionnement de son calcul et sur les abus qui peuvent découler de ce concept qui est aujourd'hui dans le droit européen.
Comme toujours, ce n’est pas l’objet ou la notion qui peut être critiquable, c’est ce que l’on en fait.
Aux mains des éco-sceptiques avides d’argent, la neutralité carbone sera un moyen de spéculer sur la bourse du carbone et de polluer encore plus. Pour les militants écologistes, la neutralité carbone est un objectif réel qu’il faut atteindre pour lutter contre le dérèglement climatique et ses conséquences. 🌐
https://www.ecologie.gouv.fr/en-finir-energies-fossiles-et-sengager-vers-neutralite-carbone#e3
https://unfccc.int/sites/default/files/french_paris_agreement.pdf
https://www.europarl.europa.eu/news/fr/headlines/society/20190926STO62270/qu-est-ce-que-la-neutralite-carbone-et-comment-l-atteindre-d-ici-2050