Les factures des Français-es risquent de subir des hausses tarifaires dans les mois à venir si ce n’est pas déjà le cas. Pour quelles raisons ? Est-il possible de passer à travers les mailles du filet et réduire ses factures d’électricité ?
Jean-Victor et Arnaud, experts sourcing chez Ekwateur, nous expliquent en détail le pourquoi du comment.
17 mai 2021
·Mise à jour le 15 novembre 2023 à 10:00
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Arnaud et Jean-Victor : Le marché du CO₂ est un système d’échange de permis d’émission de CO₂ créé en 2005 au niveau de l'Europe.
L’idée derrière ce système c’est d’inciter les acteurs émetteurs de gaz à effet de serre à réduire leurs émissions et à faire des économies d’énergie.
Ce marché du CO₂ concerne plusieurs acteurs que l’on nomme « obligés » (l’aérien, la cimenterie, la production d’électricité via le gaz et le charbon, etc…,). Chaque année, ces acteurs reçoivent un crédit d’émission carbone c’est-à-dire des quotas qui leur permettent d’émettre du CO₂ « gratuitement ». Ces quotas couvrent une partie de leurs émissions annuelles, mais pas la totalité. Ainsi, lorsqu’un acteur a épuisé ses quotas avant la fin de l'année, celui-ci a deux options : soit acheter des crédits sur ce fameux marché du CO₂ (il les achète aux enchères), soit en acheter à d’autres acteurs obligés comme lui et qui ont été moins gourmands en CO₂ sur l’année écoulée.
Cette réduction des émissions est un cap global non pas une obligation de chacun d'éviter de trop grosses émissions de CO₂. C’est pour cette raison que ceux qui peuvent les diminuer à moindre coût et rapidement sont vivement encouragés à le faire et ils peuvent ainsi vendre leur surplus non utilisé à ceux (parfois des concurrents) qui ont plus de difficultés à obtenir une baisse de leurs émissions.
Ce système a connu jusqu’à maintenant 4 phases différentes :
La raison principale de cette hausse c’est que tous les acteurs s’attendent à un durcissement des règles de ce système de la part de la Commission européenne. En effet, les annonces ambitieuses de diminuer de 55% par rapport au niveau de 1990 les émissions de GES d’ici 2030 semblent confirmer ce point. Cet objectif ne sera possible que si les émissions des entreprises sont plus basses. Aussi, ils se préservent dès maintenant de cette potentielle hausse tarifaire en achetant un volume de quotas plus important que d’ordinaire.
Il y a également plusieurs investisseurs qui parient sur cette hausse (en raison des annonces faites) et investissent naturellement dans le CO₂ européen dont le tarif semble inexorablement voué à augmenter.
Cette potentielle restriction des quotas n’est pas invraisemblable. Pourquoi ? Parce que l’idée de ce système est d’inciter les acteurs à réduire leurs émissions de CO₂ en diminuant les quotas gratuits des différents obligés. Pour chaque tonne que l’industriel émet, il doit acheter un crédit d’émission carbone et au fur et à mesure des années, la Commission européenne veut diminuer le nombre de crédits alloués gratuitement pour inviter de plus en plus tous les acteurs à réduire leurs émissions et à faire des économies d’énergie.
Il faut savoir que l'Europe, dans sa gestion, n'est pas limitée uniquement au marché de CO₂. Elle peut aussi fixé les prix de l'électricité au niveau européen.
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Jean-Victor et Arnaud : L’électricité est produite à partir de différent moyen de production (éolien, solaire, nucléaire, charbon, etc…,), ce que l’on appelle le mix électrique. Toute l'électricité est mélangée dans ce mix, et l'électricité vraiment verte l'est grâce aux garanties d'origines achetées par les fournisseur (il s'agit d'un système bien réglementé pour garantir la provenance de l'énergie).
L’équilibre entre l’offre en énergie et la demande se fait en réalité à une échelle européenne car la quasi-totalité des pays européens sont interconnectés d’un point de vue énergie (oui, l’électricité qui arrive chez vous peut très bien provenir aussi bien d’Espagne ou de Hongrie). Et comme le réseau est interconnecté, cela dépend de tous les moyens de production utilisés pour produire l’électricité.
Généralement, lors de pics de demande par les consommateurs, les productions éolienne, solaire ou encore nucléaire ne suffisent plus pour répondre à cette demande. Dans ces cas-là, nous sommes obligés d’allumer des centrales à gaz ou à charbon très polluantes (afin de s'assurer que tous les consommateurs restent bien alimentés en énergie) et donc soumises aux quotas du marché du CO₂. Elles intègrent alors le prix du CO₂ dans leurs coûts de production.
De plus, même si notre mix électrique français est considéré comme décarboné dans la mesure où le nucléaire couvre plus de 70% de la production d’électricité française, cela dépend de la demande à un niveau européen encore une fois. Les Allemands par exemple ont développé les énergies renouvelables, mais utilisent encore en grande majorité du gaz et du pétrole à des fins de chauffage ou pour leur appareils de cuisson.
Le prix du kWh tient compte du moyen de production qui fonctionne à un instant T. Concrètement, si la demande n’est pas trop élevée et que les énergies renouvelables et le nucléaire peuvent satisfaire cette demande, alors le prix sera plus faible, puisque fixé sur ces centrales
En revanche, si la demande est élevée et que les centrales à charbon et à gaz sont sollicitées, alors le prix de l’électricité sera plus élevé puisque ce sont ces centrales qui seront appelées en dernier pour produire, et ce sont ces dernières qui ont des coûts de fonctionnement plus importants (prix du gaz, du charbon et du CO₂).
De plus, le prix de l’électricité produite par ces centrales sera d’autant plus élevé car les quotas d’émission imposés par la Commission européenne seront également élevés (cf. schéma ci-dessous).
Même s’il est légitime de penser que l’on ne devrait pas subir ces augmentations de prix des quotas puisque notre mix électrique est majoritairement décarboné, il ne faut pas oublier que l’on se situe à un niveau européen. Le prix peut tout autant être décidé par une centrale à charbon polonaise qu’une centrale nucléaire de la vallée du Rhône.
Actuellement, les moyens de production prédominants sont encore très souvent les centrales à gaz et à charbon. Ce sont elles qui vont arbitrer les prix car, comme nous l’avons vu, ce sont elles qui maintiennent l’équilibre entre l’offre et la demande. Et dans la mesure où elles sont soumises aux quotas du marché du CO₂, si les prix augmentent, elles vont répercuter ces coûts sur le prix de l’électricité qui va également augmenter sur le marché de l’électricité. De fait, le prix des factures va également augmenter.
Dans notre cas, en tant que fournisseur d’électricité (et fournisseur d'électricité alternatif !), nous nous approvisionnons en électricité renouvelable sur le marché. Donc, si le prix augmente fortement, une hausse sera forcément répercuté sur les factures de nos client-e-s. Il ne s'agit donc pas d'une taxe en plus car les taxes sont définies et visibles distinctement sur la facture.
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Arnaud et Jean-Victor : Oui, cela impacte aussi le gaz. Pourquoi ? Tout simplement car les centrales à gaz et à charbon sont soumises au coût du CO₂. En sachant que le charbon est plus polluant, le coût du CO₂ sera plus élevé sur le charbon que sur le gaz. Ces deux types de centrales sont donc en compétition pour produire de l’électricité.
Lorsque la demande était en baisse et les prix du CO₂ plus faibles, c’était le charbon qui était réquisitionné pour produire de l’électricité. Avec l’augmentation des prix du CO₂, c’est le gaz qui est, à son tour, réquisitionné pour la production d’électricité. De fait, dans la mesure où il est demandé pour la production d’électricité, cela fait augmenter la demande générale de gaz et donc le prix du gaz par répercussion. Tout comme pour l’électricité. L’augmentation est donc intégrée par les fournisseurs dans leurs prix, ce qui entraine une augmentation des factures des particuliers (et professionnels). Le choix du fournisseur est important pour trouver les meilleures offres d'énergie, et au meilleure prix ! Pensez aussi à comparer les différentes offres selon votre situation, le nombre d'habitants dans votre logement, etc.
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Arnaud et Jean-Victor : À court terme, le mix de production est ce qu’il est et, dans le contexte actuel, la hausse des coûts des quotas de CO₂ se traduit par une augmentation des prix de l’électricité, c’est inévitable. Bien évidemment, il est toujours possible d'économiser de l'énergie pour réduire ses factures d’électricité et limiter l'impact (vous pouvez passer voir notre blog à ce sujet si vous voulez moins consommer sans sacrifier votre confort 😉).
À moyen terme cependant, nous pouvons observer une évolution en profondeur du mix énergétique notamment avec la montée en puissance des énergies renouvelables. Aussi, plus la production sera décarbonée, moins les centrales à gaz et à charbon seront nécessaires. On pourrait donc s’attendre à une décorrélation progressive entre le prix du CO₂ et le prix de l’électricité. L’instauration des quotas de CO₂ de plus en plus stricts avec le temps a pour but aussi d’aider au développement des énergies renouvelables.
Merci beaucoup, Jean-Victor et Arnaud, pour tous ces éclaircissements sur le sujet. Vous savez désormais pourquoi votre facture risque d’augmenter et comment faire pour atténuer cette augmentation. Investir dans les énergies renouvelables et la transition énergétique est toujours une bonne nouvelle (et moins coûteuse en plus 😉). Plus on sera nombreux-ses à choisir un contrat d'électricité permettant de se chauffer aux énergies vertes plus on aura accès à une électricité peu chère ! 💪
La hausse de la facture d'électricité préoccupe les consommateurs, et le gouvernement, sous la pression de l'opinion publique, envisage un rattrapage pour limiter l'impact financier sur les particuliers et les entreprises. Le ministre de l'Énergie prévoit une augmentation tarifaire annuels limitée pour compenser un déficit de plusieurs milliards d'euros. Cette décision vise à maintenir un tarif réglementé tout en préservant la compétitivité des concurrents sur le marché de l'énergie et en soutenant le développement des énergies renouvelables pour réduire le volume des émissions de CO₂ à long terme.
Pour économiser de l’énergie, il existe de nombreuses solutions. Déjà, il faut bien comprendre votre consommation d'électricité et de gaz pour pouvoir la réduire. Le meilleur moyen reste de faire des travaux d’isolation pour baisser la consommation de votre logement, vous pouvez aussi essayer d'avoir une utilisation plus optimale de vos appareils énergivores tels que votre lave-linge, votre ordinateur ou votre four. Vous pouvez également choisir d'installer un système de chauffage plus durable, qui répartira mieux la chaleur.
L’autoconsommation est également une bonne option qui vous permet devenir un peu plus indépendant du réseau électrique. Avec l'autoconsommation, vous pourrez auto-gérer plusieurs appareils énergivores dans votre logement, comme votre ballon d’eau chaude ou votre système de chauffage. Nous avons d’ailleurs créé un guide de l’autoconsommation pour vous conseiller sur les démarches à suivre et sur comment vous équiper.